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Mourning Diary

Roland Barthes

4.12 AVERAGE

emotional reflective sad fast-paced
emotional reflective sad fast-paced

Perhaps this volume collecting Roland Barthes’ thoughts between 1977-1978 was the great thinker’s attempt to grapple with his grief over his mother’s death the best way he knew how— as he approached most things, by studying and dissecting his loss with academic vigour— but instead his notes turned out to become the most visceral and human words I have ever read on life after a loved one’s death. I’m sure other people feel the same way.

This was never meant to be published. He first wrote these thoughts on slips of quartered typewriting paper stored on his desk, taking pauses from his work on some of the most important books of his career to deal with his grief, but this volume ended up becoming one of his most revelatory and insightful. I read this to hopefully put myself in the shoes of my friends who have lost loved ones. I recognized them in the book’s pages, I hope I now know their hearts a little better.

He never meant to publish this, but I’m glad his colleagues did, albeit years after his death. I think he would have loved seeing his mother immortalised, lovingly, through his painfully devoted thoughts.

heart-breaking, beautiful. so much proust, so much loss that never leaves him. it changes the way i think back on camera lucida.

and what an odd time of the year to choose to read this.
challenging emotional reflective sad fast-paced

p.21
— “Jamais plus, jamais plus !”
— Et pourtant, contradiction : ce “jamais plus” n’est pas éternel puisque vous mourrez vous-même un jour. 
“Jamais plus” est un mot d’immortel. 

p.25
Dans la phrase “Elle ne souffre plus”, à quoi, à qui renvoie “elle” ? Que veut dire ce présent ?

p.32
Beaucoup d’êtres m’aiment encore, mais désormais ma mort n’en tuerait aucun. 
— et c’est là ce qui est nouveau. 

p.51
On souhaite du “courage”. Mais le temps du courage, c’est celui où elle était malade, où je la soignais en voyant ses souffrances, ses tristesses et où il fallait me cacher de pleurer. À chaque instant il fallait assumer une décision, une figure, et c’est cela le courage. — Maintenant, courage voudrait dire vouloir-vivre et on n’en a que trop. 

p.60
Il y a un temps où la mort est un événement, une ad-venture, et à ce titre, mobilise, intéresse, tend, active, tétanisé. Et puis un jour, ce n’est plus un événement, c’est une autre durée, tassée, insignifiante, non narrée, morne, sans recours : vrai deuil insusceptible d’aucune dialectique narrative. 

p.61
Suis ou déchiré ou mal à l’aise
et parfois des bouffées de vie

p.70
Toujours cette distorsion douloureuse (parce qu’énigmatique, incompréhensible) entre mon aisance à converser, à m’intéresser, à observer, à vivre comme avant, et les élancements du chagrin. Souffrance supplémentaire, de n’être pas plus “désorganisé”. Mais peut-être est-ce alors d’un préjugé que je souffre. 

p.81
—> “Deuil”
Expliqué à AC, dans un monologue, comment mon chagrin est chaotique, erratique, ce en quoi il résiste à l’idée courante - et psychanalytique - d’un deuil soumis au temps, qui se dialectise, s’use, “s’arrange”. Le chagrin n’a rien emporté tout de suite - mais en contrepartie, il ne s’use pas.
— À quoi AC répond : c’est ça, le deuil. (Il se constitue ainsi en sujet du Savoir, de la Réduction) - j’en souffre. Je ne puis supporter qu’on réduise - qu’on généralise - Kierkegaard - mon chagrin : c’est comme si on me le volait

p.85
À chaque “moment” de chagrin, je crois que c’est celui-là même où pour la première fois je réalise mon deuil. 
Cela veut dire : totalité d’intensité. 

p.88 (❤️)
Maintenant, parfois monte en moi, inopinément, comme une bulle qui crève : la constatation : elle n’est plus, elle n’est plus, à jamais et totalement. C’est mat, sans adjectif — vertigineux parce qu’insignifiant (sans interprétation possible). Douleur nouvelle. 

p.106
Je croyais que la mort de mam. ferait de moi quelqu’un de “fort, puisque accédant à l’indifférence du mondain. Mais cela a été tout le contraire : je suis encore plus fragile (normal : pour un rien en état d’abandon). 

p.122
Désespoir : le mot est trop théâtrale, il fait partie du langage. 
Une pierre. 

Penser, savoir sur mam. Est morte à jamais, complètement (“complètement” qui ne peut se penser que par violence et sans qu’on puisse se tenir longtemps à cette pensée), c’est penser, lettre pour lettre (littéralement, et simultanément), que moi aussi je mourrai à jamais et complètement.
Il y a donc, dans le deuil (celui de cette sorte, le mien), un apprivoisement radical et nouveau de la mort ; car, avant, ce n’était que savoir emprunté (gauche, venu des autres, de la philosophie, etc.), mais maintenant, c’est mon savoir. Il ne peut me faire guère plus de mal que mon deuil. 

p.133
Je souffre de la peur de ce qui a eu lieu.
Cf. Winnicott : peur d’un effondrement qui a eu lieu

p.141
La vérité du deuil est toute simple : maintenant que mam. est morte, je suis acculé à la mort (rien ne m’en sépare si ce n’est le temps). 

p.147 (❤️)
Par amour, FW est ravagé, souffre, reste prostré, requis, absent à tout, etc. Cependant il n’a perdu personne, l’être qu’il aime vit, etc. Et moi, à côté de lui, moi qui l’écoute, j’ai l’air calme, attentif, présent, comme si quelque chose d’infiniment plus grave ne m’était pas arrivé.  

p.149
(Deuil)
Non Continu, mais Immobile. 

p.158
Tout recommençait aussitôt : arrivées de manuscrits, demandes, histoires des uns et des autres et, chacun poussant devant lui, impitoyablement, sa petite demande (d’amour, de reconnaissance) : à peine eut-elle disparu, le monde m’assourdit de : ça continue

p.171
Je vis les hirondelles voler dans le soir d’été. Je me dis - pensant avec déchirement à mam. - quelle barbarie de ne pas croire aux âmes - à l’immortalité des âmes ! quelle imbécile vérité que le matérialisme !

p.187
Mon chagrin est inexprimable mais tout de même dicible. Le fait même que la langue me fournit le mot “intolérable” accomplit immédiatement une certaine tolérance

p.189
La littérature, c’est ça : que je ne puis lire sans douleur, sans suffocation de vérité, tout ce que Proust écrit dans ses lettres sur la maladie, le courage, la mort de sa mère, son chagrin, etc. 

p.192 (❤️)
Parfois (comme hier, dans la cour de la Bibliothèque nationale), comment dire cette pensée fugitive comme un éclair, que mam. n’est plus là à jamais ; une sorte d’aile noire (du définitif) passe sur moi et me coupe le souffle ; une douleur si aiguë qu’on dirait que pour survivre je dérive aussitôt vers autre chose. 

 p.221
Jour anniversaire de la mort de mam. 
À Urt la journée. 
Urt, la maison vidéo, le cimetière, la tombe nouvelle (trop haute, trop massive, pour elle, à la fin si menue) ; mon cœur ne se détend pas ; je suis comme sec, sans la bienfaisance d’une intériorité. Le symbolisme de l’anniversaire ne m’apporte rien. 

p.239
Ce qui me sépare de mam. (du deuil qui était mon identification à elle), c’est l’épaisseur (grandissante, progressivement accumulée) du temps où, depuis sa mort, j’ai pu vivre sans elle, habiter l’appartement, travailler, sortir, etc. 

p.259
Suicide
Comment saurai-je que je ne souffre plus, si je suis mort ?

Sur le deuil, sur le langage et le deuil : tellement juste 
Sur la mère, la monumentification de la mère : bof — bien male gazy 
Mais je ne le lis pas comme un épitaphe, alors pour la prouesse qu’est la mise en mots du deuil dans sa banalité, son immobilité, ses sursauts : ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️
emotional reflective medium-paced

terrifying and stressful, but barthes is such a good writer even here that it's still beautiful. i don't think id have the strength to write something like this, and it made me wonder if id even want to.
emotional sad
emotional reflective medium-paced