A review by okenwillow
Un pays à l'aube by Dennis Lehane

5.0

Dennis Lehane avait déclaré lors du FIRN 2007 qu’il ne reprendrait pas la série des Kenzie & Gennaro, à moins d’avoir besoin de se faire construire une piscine. Apparemment, il a finalement eu besoin d’une piscine, puisque qu’il a ajouté un épisode à la saga, Moonlight Mile. Mais entre-temps, Lehane nous a pondu un roman hors norme, qui sort de ses intrigues policières habituelles. En quelques mots, on pourrait dire qu’Un pays à l’aube concentre tout ce que l’on peut trouver de mieux chez Lehane. Et plus encore. Au moins. Dennis Lehane est un grand, il n’y a qu’à lire Mystic River, Shutter Island ou n’importe quel épisode de Kenzie & Gennaro pour se prendre une belle baffe à chaque fois.

Cette fois-ci l’auteur abandonne le polar mais ne renie pas pour autant le milieu policier. Il plante son décor à Boston, à la fin de le Première Guerre mondiale, en pleine crise économique et sociale. Trois personnages distincts vont traverser cette période et se croiser. Un joueur de base-ball à la mode, brave gars mais un peu naïf, un jeune agent de police d’origine irlandaise, un jeune Noir en cavale, voici pour nos protagonistes. Luther est un jeune ouvrier contraint de rendre son emploi aux Blancs revenus de la guerre en Europe, avant de fuir son foyer suite à un malheureux concours de circonstances. Danny Coughlin est fils de capitaine de police et filleul de lieutenant, tout le monde s’attend à le voir devenir inspecteur en un temps record, mais c’est sans compter son esprit rebelle et sa solidarité pour ses collègues policiers, qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et tentent péniblement de faire valoir leurs droits. Babe Ruth quant à lui, est une vedette du base-ball doublé d’un grand enfant, et il va croiser le chemin de Luther et de Danny à différents niveaux.

L’intrigue se situe durant une période difficile pour les États-Unis, les soldats reviennent de la guerre et voient leurs emplois occupés par les Noirs. Des émeutes et des massacres ont lieu entre les deux populations. Le climat est tendu et la prohibition n’est pas loin. La police de Boston tente de se syndicaliser pour mieux faire valoir ses droits, alors que la menace d’une grève des policiers engendrerait un cataclysme politique et social.

Lehane développe ses personnages avec son aisance habituelle, et enrichit son récit de faits historiques, pour mieux planter l’action dans la réalité. Nous suivons l’évolution des personnages à travers une époque, une société, un pays encore jeune. Chacun y cherche sa place, quitte à renoncer à sa famille et à son milieu social. Les personnages sont riches et étoffés, nous suivons leurs « petites » histoires dans la grande Histoire avec un intérêt grandissant. Le contexte donne lieu à un récit foisonnant, et on se prend à imaginer une adaptation ciné ou télé. Lehane nous offre une quasi-fresque sociale, historique, peuplée de personnages aussi consistants qu’attachants. Une suite est également disponible, Ils vivent la nuit, sortie en 2012, et que je lis dans la foulée, soyons fous !