4.5
challenging emotional informative reflective sad medium-paced

Comme le rappelle la note de la traductrice, ce recueil a d’abord été publié en 2022. Si sa traduction en français en 2024 nous fait penser au génocide toujours en cours à Gaza, elle rappelle que la colonisation et l’occupation de la Palestine ne sont pas nouvelles. 
Le recueil m’a touchée par bien des aspects, mais j’en retiendrai particulièrement quelques-uns. 
Dans « Où est mon pays ? », un enfant interroge son parent qui lui répond que son pays est dans un série d’objets du quotidien (le tapis de prière de son oncle, le four où sa mère faisait cuire le pain, la photo du mariage de ses grands-parents…). Chaque objet est associé à une personne de la famille ou un·e proche ou un lieu familier (le chemin de l’école, le terrain de foot). Le poème se termine sur la surprise de l’enfant qui ne comprend pas comment un si petit mot peut être autant de choses à la fois. J’ai trouvé belle cette façon de porter en soi le souvenir des personnes et des lieux, et cette façon de transmettre l’idée de l’appartenance à un pays à son enfant. 
C’est aussi l’amour de sa terre qui s’exprime dans « Mon grand-père était un terroriste », où on voit l’homme s’occuper de ses champs et de ses citronniers avant de quitter sa maison « la laissant aux hôtes qui arrivaient, / [posant] de l’eau pure sur la table / pour qu’ils ne meurent pas de soif après la conquête ». On lit l’affirmation paisible que la terre prise et ravagée par les colons appartiendra toujours à la population autochtone. Cet esprit de résilience et d’attachement profond à son pays se lit aussi dans la « Litanie pour une seule terre », où le poète imagine « quand nous mourrons/nos os continueront de grandir,/ils rejoindront les racines des oliviers,/des orangers, se baigneront dans la douce mer de Jaffa ». 
Dans l’entretien qui conclut le recueil, Mosab Abu Toha parle de la difficulté pour sa génération de transmettre aux enfants les souvenirs de leurs grands-parents, parce qu’eux-même doivent raconter ce qu’ils ont vécu à Gaza. Il écrit que ses propres petits-enfants l’interrogeront probablement davantage sur la guerre de 2014 que sur la Palestine d’avant la colonisation. 


Le recueil parle évidemment aussi de bombardements, de destruction d’immeubles et de la perte de proches. C’est souvent depuis un point de vue décalé qu’il est question de violence. On voit ainsi un narrateur enfant ouvrir un parapluie pour se protéger des bombes lancées par des F16 et être la risée des autres enfants, ou alors on découvre avec lui les nombreuses nouvelles « fenêtres » de sa chambre qu’il retrouve après une attaque israélienne en 2014. 
A côté de cette réalité, c’est aussi et surtout l’affirmation que la vie continue d’exister et de se battre que porte ce recueil. 

Depuis 2023, Mosab Abu Toha a dû fuir Gaza avec sa famille. La bibliothèque Edward Saïd, première bibliothèque anglophone de Gaza qu’il avait fondé en 2017, fait partie des nombreuses bibliothèques détruites par les bombardements de l’armée israélienne. 

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