A review by lolardoisee
Bonjour tristesse by Françoise Sagan

fast-paced
  • Plot- or character-driven? Character
  • Strong character development? Yes
  • Loveable characters? It's complicated
  • Flaws of characters a main focus? Yes

4.5

Est-ce à dix-sept ans que l’on découvre la douleur ? 
 
C’est en tout cas le cas de Cécile. Ce roman nous fait partager un été avec elle, un été brûlant sur la côte d’Azur. Un été pour apprendre le manque, le désespoir, les conséquences de ses actes, et la tristesse. 
 
Le roman est introduit par un poème de Paul Éluard, qui commence par ces deux vers: 
Adieu tristesse 
Bonjour tristesse 
et je trouve ça si juste, pour exprimer la façon dont, une fois que l’on a connu la tristesse, celle-ci revient toujours. On peut tenter de la fuir, mais ce sera en vain: il faut au contraire l’apprivoiser, comprendre qu’elle est comme une vieille amie qui reviendra toujours nous rendre visite. C’est d’ailleurs l’idée exprimée dans les dernières lignes du livre: 
Je répète ce nom très bas et très longtemps dans le noir. Quelque chose monte alors en moi que j’accueille par son nom, les yeux fermés: Bonjour Tristesse. 
 
L’héroïne, Cécile, a dix-sept ans quand on la rencontre, et vit dans toute la splendeur de l’adolescence: elle est paresseuse, égocentrique, narcissique, et sort à peine de cette douce quiétude de l’enfance où l’on pense que tout nous est acquis. Comme elle nous le rappelle souvent, elle n’a avant cet été-là jamais connu le manque, le malheur ou l’amour, à part une adoration oedipienne pour son père. Or j’ai bien aimé le fait que Françoise Sagan s’inscrive dans cette idée que c’est à dix-sept ans qu’arrivent les événements qui vont changer notre vie à jamais. Le premier amour, la fin de l’insouciance, mais aussi la découverte que nos actions ont des conséquences. 
 
Au niveau des personnages, le roman s’articule autour d’un trio ravageur, autour duquel les autres personnages gravitent. Il y a Cécile, notre narratrice égocentrique, son père, charmeur de femmes qui se retrouve assez vite dépassé par la lutte invisible qui se joue sous son toit, et Anne, Anne la nouvelle compagne du père, contre qui Cécile va entrer en conflit. J’ai trouvé le personnage d’Anne très intéressant, car la représentation qui en est faite est complètement déformée par l’adoration mêlée de défiance que Cécile lui porte. Anne est “la” femme, celle que Cécile aimerait être, et elle est constamment décrite par des adjectifs mélioratifs: tout chez elle est parfait, mesurée, calme et intelligent, là où Cécile se sent stupide et trop emportée. 
 
Enfin, je discerne très bien pourquoi ce livre a fait scandale lors de sa parution en 1954, et pourtant ce n’est pas ce que moi j’en retiens. Il est vrai que le roman comprend des descriptions explicites du plaisir que Cécile prend avec son amant, Cyril, et cela devait être novateur pour l’époque. Globalement, l’égocentrisme de la narratrice, qui s’écoute parler et se complaint dans des faux malheurs d’adolescente, devait être choquant dans la société d’après-guerre où les adolescents n’ont pas vraiment droit à la parole. En le lisant en 2025, ce roman reste étonnant de modernité, par les rapports de force qui sont décrits et la psychologie intéressante des personnages. Ce qui m’a plus, c’est parcourir cet été avec Cécile, voir ses évolutions, parfois la détester et parfois la comprendre.