A review by nickfourtimes
887 by Robert Lepage

5.0

1) "À l'appartement 8, c'était la famille de Johnny Farago. Oui, oui. Le fameux Johnny Farago, avant qu'il déménage à Montréal pour devenir une vedette de la chanson populaire québécoise. On le voit ici, à l'âge de 12 ans, dans un de ses célèbres imitations d'Elvis Presley. Sa mère n'avait que 14 ans quand elle l'a mis au monde. Et comme la plupart de mères célibataires à l'époque, elle avait donné naissance à Johnny dans un centres pour filles-mères tenu par les Soeurs Grises. Et le prix à payer pour avoir enfanté dans le péché était d'accoucher devant les gradins remplis d'étudiants en médecine de l'Université Laval que applaudissaient à tout rompre si l'accouchement était réussi. Sa mère disait que c'était probablement à ce moment précis que son fils avait eu la piqûre du show business."

2) "C'est comme à Montréal, avec la ruelle Robert-Gravel et l'impasse Pauline-Julien. L'IMPASSE Pauline-Julien! Je te dis que ça vaut la peine de militer toute ta vie pour réveiller la conscience sociale et politique des Québécois pour finir dans une impasse à Rosemont, un quartier où elle est même pas née, où elle a même jamais vécu. Parce que tout le monde sait très bien qu'elle vivait au carré Saint-Louis, en face de la maison du grand poète Émile Nelligan. D'ailleurs, explique-moi donc une affaire toi: comment ça se fait que depuis le temps, le carré Saint-Louis, ça a pas été rebaptisé le carré Émile-Nelligan? Est-ce que c'est ça la mémoire collective des Québécois? C'est comme ça qu'on se rappelle des gens qui ont apporté une contribution importante au patrimoine culturel du Québec!?!"

3) "Environ une minute avant d'entrer en scène, je me suis posé la question que tout le monde se pose en pareilles circonstances. «Mais que diable suis-je venu faire dans cette galère? Pourquoi ai-je accepté encore une fois de me mettre en danger comme ça?»
Quand j'ai mis les pieds sur scène, j'ai immédiatement eu ma réponse.
C'était certainement pas pour l'immese privilège et l'honneur d'avoir à réciter ce poème mythique, mais plutôt pour tenter d'épater la galerie qui ce soir-là était composée de gens des milieux politique et culturel et du monde des médias. Y avait des représentants du gouvernement fédéral, des représentants du gouvernement provincial, des gens de l'Hôtel de ville de Montréal, des gens du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec, un ex-membre du FLQ, qui chaque jeudi traverse le pont Pierre-Laporte pour aller donner son cours de science politique à l'Université Laval, un journaliste du journal Le Devoir dont la chronique paraît le mardi matin, quand Le Devoir est composé de quatre pages pliées en deux pour faire semblant qu'il y en a huit et qui est probablement même pas au fait que Henri Bourassa, le fondateur du journal Le Devoir, s'était lui-même fait crier «Speak white!» quand il avait voulu s'exprimer en français à la Chambre des communes en 1889, et toute une écurie d'anciens baba-cool qui «étaient là, à l'époque» mais qui sont tous arrivés en retard parce qu'ils arrivaient pas à trouver de stationnement sur René-Lévesque pour leur 4x4 de l'année dont la plaque d'immatriculation proclame «Québec, je me souviens».
Je me souviens de quoi au juste?!"