A review by okenwillow
Le Voyage d'Anna Blume by Paul Auster

4.0

Entamé hier soir, je l'ai terminé tout à l'heure, ébahie, émue, intriguée. Anna blume adresse à son ami d'enfance une très longue lettre qu'elle n'est même pas sûre de pouvoir lui envoyer. Fille de bonne famille, Anna Blume a connu une enfance et une adolescence dorées jusqu'à ce que son frère William, journaliste, disparaisse à l'étranger lors d'un reportage. Déterminée à le retrouver, elle ira le rejoindre dans ce nouveau monde, loin de se douter de ce qui l'attend. Arrivée par bateau dans une ville dévastée, elle devra vite renoncer à retrouver son frère, trop préoccupée par sa propre survie dans une cité aux allures de post-apocalypse. On ne sait rien des causes, Anna nous fait un constat déprimant de ce qu'est devenue la vie dans un cadre de fin du monde. Elle avoue elle-même ignorer bien des choses quant à l'économie du moment et à son fonctionnement. Mais ce qu'elle sait, ce qu'elle a vu et observé, elle nous le décrit avec assez de précisions pour nous donner froid dans le dos. Le travail est quasi-inexistant, chacun doit rivaliser d'imagination pour s'adapter et gagner de quoi se nourrir. Une nouvelle organisation sociale se créée, précaire. La lutte pour la survie dans le dénuement le plus total modifie les relations humaines. La narratrice va devoir s'adapter aux privations en tous genres, la nourriture, le confort, mais aussi l'amitié et l'amour, avant de renouer le contact avec autrui.

La lutte permanente pour la survie, l'effort constant et surhumain pour mettre encore et malgré tout un pied devant l'autre, tout contribue à l'annihilation de l'individu, qui ne devient qu'un corps à peine vivant, un organisme que l'instinct de survie pousse encore à chercher sa pitance. Comme le dit Anna Blume, la vie met longtemps à mourir. Et Anna mettra longtemps à voir au-delà des limites de la cité isolée, et à espérer.

L'univers dépeint est hautement anxiogène, je déconseille la lecture de ce livre aux dépressifs profonds, et pourtant, la narration captive, fascine, et le récit à la première personne ajoute une authenticité troublante. Un long voyage donc, au-delà de la misère et du désespoir, qui rappelle une certaine réalité, certes accentuée par Auster, mais bien d'actualité. Superbe !