Take a photo of a barcode or cover
choupitali's reviews
360 reviews
Persuasion by Jane Austen
Néanmoins, si Jane Austen nous propose une romance captivante, elle nous présente une fois de plus une satire de la société de son époque. Une volonté qui passe par ses nombreux personnages, tout aussi intéressants les uns que les autres, même s'ils ne sont pas égaux en sympathie.
Dans la famille Elliot, Anne s'avère être l'exception. Si nous avons vu que la jeune femme était quelqu'un de posé et amiable, il est difficile de dire la même chose pour les autres membres. Sir Walter est un homme orgueilleux qui ne vit que pour son statut social, un chemin qu'empreinte aussi sa fille aînée Elizabeth. Celle-ci ne manque d'ailleurs pas de rabaisser Anne. Toutefois, ces deux personnages sont souvent montrés avec une ironie qui les rend ridicules. En ce qui concerne, Mary, la benjamine, son éducation l'incite à songer au statut social et à la réputation de sa famille, mais son défaut principal est l'égoïsme qui se traduit par un éternel besoin d'attention.
Bien que ne faisant pas officiellement partie de la famille, Lady Russell en est tout de même un pilier. Elle est celle qui a persuadé Anne huit ans plus tôt et demeure une conseillère. Pourtant ses avis ne sont pas toujours de bon aloi. Supportant également l'idée qu'un mariage d'intérêt est plus convenable qu'un mariage d'amour, elle se laisse facilement tromper par les apparences.
En cela, l'amiral Croft et sa femme forment un couple qui détruit les conventions. Mrs Croft n'hésitant pas à accompagner son mari sur les mers, ils sont présentés comme étant profondément heureux, devenant donc cet idéal auquel pourraient aspirer Anne et Wentworth. La comparaison avec le couple que forment Mary et Charles Musgrove est édifiante, puisque ces deux derniers ne font qu'amplifier les défauts de chacun là où le couple Croft se complète admirablement. À noter que le roman possède d'autres couples permettant de se forger une opinion sur cette opposition du mariage d'intérêt et du mariage d'amour, un peu à l'image de Pride and Prejudice.
Finalement, Persuasion est un roman qui mériterait autant sa place d'incontournable que Pride and Prejudice. Jane Austen continue de nous divertir avec sa plume teintée d'ironie, mais elle nous offre une romance plus mélancolique. Ode à la seconde chance, Persuasion se montre plus mature et touchant. Le seul bémol que l'on pourrait y trouver est que beaucoup de personnages s'appellent Charles. Autrement, il s'agit d'une promenade sous un ciel d'automne, attendant que le printemps fasse son retour.
5.0
Pride and Prejudice fut un coup de cœur, Emma fut une déception, je ne savais donc pas dans quelle catégorie se trouverait Persuasion . Heureusement pour moi, ce fut une répétition du premier cas.
Persuasion nous conte l'histoire d'Anne Elliot, fille d'un baronnet, qui refusa de prolonger son engagement auprès de Frederick Wentworth lorsqu'elle avait dix-neuf ans. À cette époque, la jeune fille fut persuadée d'effectuer cette décision par sa famille orgueilleuse, mais surtout par son amie Lady Russell, puisque le jeune homme n'avait ni fortune ni rang social acceptables. Un choix considéré comme prudent, mais qui déchira le cœur d'Anne.
Environ huit ans plus tard, la famille Elliot est obligée de déménager, ne pouvant plus vivre selon les caprices coûteux du père. La demeure familiale est donc louée à un couple dont la femme n'est autre que la sœur du fameux Wentworth. Ce dernier est devenu capitaine de la marine, et son apparition réveille la plaie d'Anne, d'autant plus qu'il semble garder une certaine rancœur envers elle.
Persuasion est le dernier roman écrit par Jane Austen et fut paru de façon posthume. Quelque part, il s'agit de son livre le plus mature que j'ai pu lire jusqu'à présent. Contrairement aux autres, il ne s'agit pas de suivre un couple tomber amoureux et d'assister à leur cour jusqu'au mariage. Ici, la chance d'être unis est déjà passée, ce qui m'amène aux thèmes principaux du récit.
D'une part, Persuasion est un livre sur le regret. Anne a bien conscience que l'influence qu'elle a subi autrefois lui a permis de ne pas faire un choix malavisé, mais elle ne peut s'empêcher de penser à ce qu'aurait pu être sa vie si elle avait accepté d'épouser Wentworth. Le regret est d'ailleurs pesant lorsque le capitaine se montre froid, prouvant qu'elle a non seulement perdu son amour, mais également son amitié.
Toutefois, ce regret a modelé Anne dans son caractère, lui donnant une grande capacité d'introspection et la rendant bien plus sympathique que ses deux sœurs. Anne est un personnage qui a la tête sur les épaules, en témoignent les efforts qu'elle accomplit durant tout le roman. Elle est, par exemple, la seule fille de Sir Walter qui a suffisamment de jugeote pour calculer les dépenses de la famille et les sortir de la dette. Elle est aussi celle sur laquelle se repose sa sœur Mary, notamment lorsqu'un de ses enfants a besoin de soin, une démonstration de responsabilité qui est à nouveau sollicitée à un point clef du récit. Enfin, Anne montre son aptitude à juger le caractère d'autrui en analysant les actes et paroles et chacun, ce qui lui donne une très bonne intuition concernant un personnage.
Du regret mélangé à la maturité d'Anne naît alors cette idée de vivre avec les conséquences de ses actes. Il est impossible de retourner en arrière. Ainsi, Anne est désolée de voir son lien avec Wentworth si altéré, tout comme il est délicat de le voir chaleureux avec d'autres femmes. Pourtant, ce sont des conséquences qu'elle accepte.
Cependant, la vie peut offrir une seconde chance, et c'est cet espoir qui s'insinue dans la mélancolie ambiante du livre. Une parole cordiale, une réflexion formulée à voix haute, un geste amical, sont des éléments qui ponctuent le récit et l'empêche de sombrer dans l'apitoiement. Une amitié brisée peut être renouvelée, un amour perdu peut renaître, des affirmations que peuvent reconnaître les lecteurs et les comparer avec leur propre expérience.
Cette relation est à l'image du printemps et de l'automne : elle éclot telle une fleur, puis elle se fane pour laisser place à la nostalgie. Pourtant, un autre cycle peut commencer et de nouveaux bourgeons se former. Si l'histoire se déroule selon le point de vue d'Anne, plusieurs indices nous montrent que Wentworth suit une évolution de sensations assez similaire. Ce qui donne lieu à une lettre révélant ce qu'il éprouve, et résumant bien l'entièreté de leur relation :
Persuasion nous conte l'histoire d'Anne Elliot, fille d'un baronnet, qui refusa de prolonger son engagement auprès de Frederick Wentworth lorsqu'elle avait dix-neuf ans. À cette époque, la jeune fille fut persuadée d'effectuer cette décision par sa famille orgueilleuse, mais surtout par son amie Lady Russell, puisque le jeune homme n'avait ni fortune ni rang social acceptables. Un choix considéré comme prudent, mais qui déchira le cœur d'Anne.
Environ huit ans plus tard, la famille Elliot est obligée de déménager, ne pouvant plus vivre selon les caprices coûteux du père. La demeure familiale est donc louée à un couple dont la femme n'est autre que la sœur du fameux Wentworth. Ce dernier est devenu capitaine de la marine, et son apparition réveille la plaie d'Anne, d'autant plus qu'il semble garder une certaine rancœur envers elle.
Persuasion est le dernier roman écrit par Jane Austen et fut paru de façon posthume. Quelque part, il s'agit de son livre le plus mature que j'ai pu lire jusqu'à présent. Contrairement aux autres, il ne s'agit pas de suivre un couple tomber amoureux et d'assister à leur cour jusqu'au mariage. Ici, la chance d'être unis est déjà passée, ce qui m'amène aux thèmes principaux du récit.
D'une part, Persuasion est un livre sur le regret. Anne a bien conscience que l'influence qu'elle a subi autrefois lui a permis de ne pas faire un choix malavisé, mais elle ne peut s'empêcher de penser à ce qu'aurait pu être sa vie si elle avait accepté d'épouser Wentworth. Le regret est d'ailleurs pesant lorsque le capitaine se montre froid, prouvant qu'elle a non seulement perdu son amour, mais également son amitié.
Toutefois, ce regret a modelé Anne dans son caractère, lui donnant une grande capacité d'introspection et la rendant bien plus sympathique que ses deux sœurs. Anne est un personnage qui a la tête sur les épaules, en témoignent les efforts qu'elle accomplit durant tout le roman. Elle est, par exemple, la seule fille de Sir Walter qui a suffisamment de jugeote pour calculer les dépenses de la famille et les sortir de la dette. Elle est aussi celle sur laquelle se repose sa sœur Mary, notamment lorsqu'un de ses enfants a besoin de soin, une démonstration de responsabilité qui est à nouveau sollicitée à un point clef du récit. Enfin, Anne montre son aptitude à juger le caractère d'autrui en analysant les actes et paroles et chacun, ce qui lui donne une très bonne intuition concernant un personnage.
Du regret mélangé à la maturité d'Anne naît alors cette idée de vivre avec les conséquences de ses actes. Il est impossible de retourner en arrière. Ainsi, Anne est désolée de voir son lien avec Wentworth si altéré, tout comme il est délicat de le voir chaleureux avec d'autres femmes. Pourtant, ce sont des conséquences qu'elle accepte.
Cependant, la vie peut offrir une seconde chance, et c'est cet espoir qui s'insinue dans la mélancolie ambiante du livre. Une parole cordiale, une réflexion formulée à voix haute, un geste amical, sont des éléments qui ponctuent le récit et l'empêche de sombrer dans l'apitoiement. Une amitié brisée peut être renouvelée, un amour perdu peut renaître, des affirmations que peuvent reconnaître les lecteurs et les comparer avec leur propre expérience.
Cette relation est à l'image du printemps et de l'automne : elle éclot telle une fleur, puis elle se fane pour laisser place à la nostalgie. Pourtant, un autre cycle peut commencer et de nouveaux bourgeons se former. Si l'histoire se déroule selon le point de vue d'Anne, plusieurs indices nous montrent que Wentworth suit une évolution de sensations assez similaire. Ce qui donne lieu à une lettre révélant ce qu'il éprouve, et résumant bien l'entièreté de leur relation :
You pierce my soul. I am half agony, half hope. Tell me not that I am too late, that such precious feelings are gone for ever. I offer myself to you again with a heart even more your own than when you almost broke it, eight years and a half ago. Dare not say that man forgets sooner than woman, that his love has an earlier death. I have loved none but you. Unjust I may have been, weak and resentful I have been, but never inconstant.
Néanmoins, si Jane Austen nous propose une romance captivante, elle nous présente une fois de plus une satire de la société de son époque. Une volonté qui passe par ses nombreux personnages, tout aussi intéressants les uns que les autres, même s'ils ne sont pas égaux en sympathie.
Dans la famille Elliot, Anne s'avère être l'exception. Si nous avons vu que la jeune femme était quelqu'un de posé et amiable, il est difficile de dire la même chose pour les autres membres. Sir Walter est un homme orgueilleux qui ne vit que pour son statut social, un chemin qu'empreinte aussi sa fille aînée Elizabeth. Celle-ci ne manque d'ailleurs pas de rabaisser Anne. Toutefois, ces deux personnages sont souvent montrés avec une ironie qui les rend ridicules. En ce qui concerne, Mary, la benjamine, son éducation l'incite à songer au statut social et à la réputation de sa famille, mais son défaut principal est l'égoïsme qui se traduit par un éternel besoin d'attention.
Bien que ne faisant pas officiellement partie de la famille, Lady Russell en est tout de même un pilier. Elle est celle qui a persuadé Anne huit ans plus tôt et demeure une conseillère. Pourtant ses avis ne sont pas toujours de bon aloi. Supportant également l'idée qu'un mariage d'intérêt est plus convenable qu'un mariage d'amour, elle se laisse facilement tromper par les apparences.
En cela, l'amiral Croft et sa femme forment un couple qui détruit les conventions. Mrs Croft n'hésitant pas à accompagner son mari sur les mers, ils sont présentés comme étant profondément heureux, devenant donc cet idéal auquel pourraient aspirer Anne et Wentworth. La comparaison avec le couple que forment Mary et Charles Musgrove est édifiante, puisque ces deux derniers ne font qu'amplifier les défauts de chacun là où le couple Croft se complète admirablement. À noter que le roman possède d'autres couples permettant de se forger une opinion sur cette opposition du mariage d'intérêt et du mariage d'amour, un peu à l'image de Pride and Prejudice.
Finalement, Persuasion est un roman qui mériterait autant sa place d'incontournable que Pride and Prejudice. Jane Austen continue de nous divertir avec sa plume teintée d'ironie, mais elle nous offre une romance plus mélancolique. Ode à la seconde chance, Persuasion se montre plus mature et touchant. Le seul bémol que l'on pourrait y trouver est que beaucoup de personnages s'appellent Charles. Autrement, il s'agit d'une promenade sous un ciel d'automne, attendant que le printemps fasse son retour.
La Conquête de Plassans by Émile Zola
5.0
La Conquête de Plassans est le cinquième livre des Rougon-Macquart. Dans ce tome, Émile Zola retourne donc à Plassans où se déroulait La Fortune des Rougon. Nous y suivons la famille Mouret, François ayant décidé de louer le second étage de la maison à un prêtre, l'abbé Faujas. Un événement qui va profondément bouleverser la vie du foyer. Si, en premier lieu, François se montre plutôt enthousiaste et prêt à défendre l'abbé contre les médisances, la situation échappera à son contrôle au point de ne plus être maître de sa propre demeure.
Contrairement aux opus précédents, l'auteur ne commence pas par un chapitre du temps présent pour ensuite faire un retour dans le passé afin de nous expliquer les rouages menant à cette situation. Les informations un tant soit peu importantes pour nous présenter le couple Mouret se trouvaient dans La Fortune des Rougon. Ainsi, nous plongeons directement dans le cœur du sujet sans autre forme de digressions.
Émile Zola laisse également de côté les descriptions comparables à des fresques que l'on pouvait rencontrer dans La Curée ou particulièrement dans Le Ventre de Paris. Il préfère se concentrer sur l'hérédité des tares de la famille, et plus spécifiquement la folie qui était présente chez Adélaïde Fouque. Il n'est donc pas étonnant de la voir mentionnée et si proche physiquement des personnages, bien qu'elle n'apparaisse pas explicitement dans le livre.
Après s'être attardé sur la gourmandise de Paris, Émile Zola décide de nous confirmer que la vie de campagne n'est pas non plus exempte de vices. Après d'être attaqué aux riches, il vise le clergé. À cette époque, la religion trempait dans la politique au point d'avoir une influence certaine, ce qui est dénoncé ici. Une image très représentative est bien sûr le logement choisi par l'abbé Faujas : le jardin des Mouret est encadré de deux partis politiques se disputant la direction du village. Installé là, le prêtre peut donc officier comme partisan du terrain neutre pour mieux rallier les deux camps à sa cause.
D'abord sujet des médisances, l'abbé Faujas parvient à étendre ses griffes sur Plassans, usant de manipulation pour mieux la contrôler. Pourtant, cette emprise ne rend pas la ville plus sainte. Tous les péchés capitaux y passent et dans leurs versions les plus dégoûtantes, certains étant embrassés par l'abbé Faujas lui-même ainsi que ses proches.
Toutefois, les victimes les plus touchées sont bien sûrs les Mouret. Petit à petit, l'étranger devient le maître, le parasite devient l'hôte. La vie idéale à laquelle on assistait dans le premier chapitre tombe en éclat. François s'enferme de plus en plus dans son mal être, tandis que Marthe goûte de trop près la religion au point de tomber dans une extase hystérique, chacun ayant sa souffrance accentuée par le comportement de hyène du village.
Finalement, avec La Conquête de Plassans, Émile Zola nous livre un récit critiquant pleinement le clergé de son époque, mettant en scène conspirations et manipulations dirigées par des personnages toujours plus détestables. C'est un panel de ce que le genre humain a de plus horrible à offrir, et avec son final explosif, l'expression "descente aux enfers" n'a jamais été aussi juste.
Contrairement aux opus précédents, l'auteur ne commence pas par un chapitre du temps présent pour ensuite faire un retour dans le passé afin de nous expliquer les rouages menant à cette situation. Les informations un tant soit peu importantes pour nous présenter le couple Mouret se trouvaient dans La Fortune des Rougon. Ainsi, nous plongeons directement dans le cœur du sujet sans autre forme de digressions.
Émile Zola laisse également de côté les descriptions comparables à des fresques que l'on pouvait rencontrer dans La Curée ou particulièrement dans Le Ventre de Paris. Il préfère se concentrer sur l'hérédité des tares de la famille, et plus spécifiquement la folie qui était présente chez Adélaïde Fouque. Il n'est donc pas étonnant de la voir mentionnée et si proche physiquement des personnages, bien qu'elle n'apparaisse pas explicitement dans le livre.
Après s'être attardé sur la gourmandise de Paris, Émile Zola décide de nous confirmer que la vie de campagne n'est pas non plus exempte de vices. Après d'être attaqué aux riches, il vise le clergé. À cette époque, la religion trempait dans la politique au point d'avoir une influence certaine, ce qui est dénoncé ici. Une image très représentative est bien sûr le logement choisi par l'abbé Faujas : le jardin des Mouret est encadré de deux partis politiques se disputant la direction du village. Installé là, le prêtre peut donc officier comme partisan du terrain neutre pour mieux rallier les deux camps à sa cause.
D'abord sujet des médisances, l'abbé Faujas parvient à étendre ses griffes sur Plassans, usant de manipulation pour mieux la contrôler. Pourtant, cette emprise ne rend pas la ville plus sainte. Tous les péchés capitaux y passent et dans leurs versions les plus dégoûtantes, certains étant embrassés par l'abbé Faujas lui-même ainsi que ses proches.
Toutefois, les victimes les plus touchées sont bien sûrs les Mouret. Petit à petit, l'étranger devient le maître, le parasite devient l'hôte. La vie idéale à laquelle on assistait dans le premier chapitre tombe en éclat. François s'enferme de plus en plus dans son mal être, tandis que Marthe goûte de trop près la religion au point de tomber dans une extase hystérique, chacun ayant sa souffrance accentuée par le comportement de hyène du village.
Finalement, avec La Conquête de Plassans, Émile Zola nous livre un récit critiquant pleinement le clergé de son époque, mettant en scène conspirations et manipulations dirigées par des personnages toujours plus détestables. C'est un panel de ce que le genre humain a de plus horrible à offrir, et avec son final explosif, l'expression "descente aux enfers" n'a jamais été aussi juste.
Le Ventre de Paris by Émile Zola
Il est d'ailleurs intéressant de voir ce personnage puisqu'il aura son propre livre dédié, L'Œuvre. Toutefois, étant donné son discours et ses apparitions, ce roman ne s'annonce pas joyeux pour lui et sa condition d'artiste.
Finalement, Le Ventre de Paris est une nouvelle preuve que tout ce qui touche de près ou de loin la famille Rougon-Macquart finit par être contaminé pour le meilleur comme pour le pire. Florent ne pouvant s'intégrer à la perfection à ce monde engraissé par les Halles en fait les frais, contrairement à son frère qui s'y trouve installé comme un coq en pâte.
Il s'agit d'un roman qui nous plonge dans l'égoïsme de l'être humain, un trait qui ressort inévitablement quand les intérêts de chacun semblent menacés. Une situation que Claude Lantier résume bien :
4.0
Le troisième roman des Rougon-Macquart se penche sur un personnage qui, au premier abord, ne fait pas partie de la fameuse famille, mais qui finira pas y être attaché par le biais de son frère. Ainsi, dans Le Ventre de Paris, nous suivons Florent qui fut arrêté par erreur durant le coup d'État du 2 décembre 1851.
Après s'être échappé du bagne de Cayenne, Florent retourne à Paris où il s'installe dans la charcuterie tenue par son frère Quenu et sa belle-sœur Lisa née Macquart. Florent parvient à trouver un travail d'inspecteur de la marée aux Halles, mais il comprend vite qu'il est difficile de se faire une place quand on n'est qu'un « maigre » au milieu des « gras ».
Je ne peux m'affirmer sur les prochains livres, mais jusqu'à présent, Le Ventre de Paris est certainement le plus sensoriel des tomes de cette série, et pour cela, Zola s'y prend d'une manière exemplaire. En prenant Florent pour personnage principal, un homme qui a été torturé par la faim durant des années, on ne peut que partager son étouffement dans ce monde que sont les Halles.
L'auteur use de nombreuses descriptions, chacune étant classée selon le type de nourriture. De cette façon, nous entrons dans l'univers coloré et parfumé des fruits et légumes, les forts relents et le sel des poissons nous agressent les narines, le sang et la chair des viandes nous gavent, la graisse des beurres nous tache, les effluves des fromages nous étourdissent. Chaque description nous fait vivre intensément au cœur des Halles, et s'il est aisé de se laisser emporter par le délice de toutes ces marchandises, il est tout aussi facile d'en être dégoûté tant elles sont abondantes.
Ainsi, même en ayant un accès illimité à de la nourriture, Florent ne parvient pas à engraisser aussi bien que sa famille et les habitants parcourant les Halles. Demeurant un « maigre », l'odeur persistante de cet immense marché devient écœurante et le lecteur ne peut qu’éprouver de l'empathie puisqu'il est lui-même assailli de cette même odeur au fil des pages.
Tout cela illustre bien sûr le grand thème de ce roman, à savoir les « maigres » contre les « gras ». Tous les personnages qui entourent Florent sont des personnes toutes en rondeurs, n'étant même souvent désignées que par leur ventre, leur gorge ou leurs bras. Si les Halles sont le ventre de Paris par son débordement de nourriture, ces gens sont le ventre qui s'engraisse de ces denrées, et puisqu'ils ne sont que ventre, ils en oublient leur cœur.
En effet, pour ces personnages, quelqu'un de « gras » représente la prospérité et l'honnêteté, tandis que quelqu'un de « maigre » a forcément quelque chose à se reprocher. On le voit bien dans le comportement de Lisa envers Florent, car bien qu'elle sache les circonstances de l'arrestation de son beau-frère, sa maigreur lui fait penser qu'il a bien dû le chercher et être coupable à sa manière. Une méfiance qui s'aggravera lorsque Florent aura des idées républicaines un peu trop engagées, puisque dans l'esprit des commerçants comme Lisa, l'Empire est celui qui leur a permis de s'engraisser et quiconque sort de ce moule ne peut être qu'un malfrat.
Il y a bien entendu des exceptions, comme mademoiselle Saget, mais celle-ci compense son manque de graisse par son besoin d'informations sur autrui. Une volonté de commérage qui s'apparente à la bonne conscience que se donne les « gras » et qui lui permet d'être bien vue par ce groupe qu'elle espère joindre.
Cette bataille est parfaitement analysée par Claude Lantier, ami de Florent :
Après s'être échappé du bagne de Cayenne, Florent retourne à Paris où il s'installe dans la charcuterie tenue par son frère Quenu et sa belle-sœur Lisa née Macquart. Florent parvient à trouver un travail d'inspecteur de la marée aux Halles, mais il comprend vite qu'il est difficile de se faire une place quand on n'est qu'un « maigre » au milieu des « gras ».
Je ne peux m'affirmer sur les prochains livres, mais jusqu'à présent, Le Ventre de Paris est certainement le plus sensoriel des tomes de cette série, et pour cela, Zola s'y prend d'une manière exemplaire. En prenant Florent pour personnage principal, un homme qui a été torturé par la faim durant des années, on ne peut que partager son étouffement dans ce monde que sont les Halles.
L'auteur use de nombreuses descriptions, chacune étant classée selon le type de nourriture. De cette façon, nous entrons dans l'univers coloré et parfumé des fruits et légumes, les forts relents et le sel des poissons nous agressent les narines, le sang et la chair des viandes nous gavent, la graisse des beurres nous tache, les effluves des fromages nous étourdissent. Chaque description nous fait vivre intensément au cœur des Halles, et s'il est aisé de se laisser emporter par le délice de toutes ces marchandises, il est tout aussi facile d'en être dégoûté tant elles sont abondantes.
Ainsi, même en ayant un accès illimité à de la nourriture, Florent ne parvient pas à engraisser aussi bien que sa famille et les habitants parcourant les Halles. Demeurant un « maigre », l'odeur persistante de cet immense marché devient écœurante et le lecteur ne peut qu’éprouver de l'empathie puisqu'il est lui-même assailli de cette même odeur au fil des pages.
Tout cela illustre bien sûr le grand thème de ce roman, à savoir les « maigres » contre les « gras ». Tous les personnages qui entourent Florent sont des personnes toutes en rondeurs, n'étant même souvent désignées que par leur ventre, leur gorge ou leurs bras. Si les Halles sont le ventre de Paris par son débordement de nourriture, ces gens sont le ventre qui s'engraisse de ces denrées, et puisqu'ils ne sont que ventre, ils en oublient leur cœur.
En effet, pour ces personnages, quelqu'un de « gras » représente la prospérité et l'honnêteté, tandis que quelqu'un de « maigre » a forcément quelque chose à se reprocher. On le voit bien dans le comportement de Lisa envers Florent, car bien qu'elle sache les circonstances de l'arrestation de son beau-frère, sa maigreur lui fait penser qu'il a bien dû le chercher et être coupable à sa manière. Une méfiance qui s'aggravera lorsque Florent aura des idées républicaines un peu trop engagées, puisque dans l'esprit des commerçants comme Lisa, l'Empire est celui qui leur a permis de s'engraisser et quiconque sort de ce moule ne peut être qu'un malfrat.
Il y a bien entendu des exceptions, comme mademoiselle Saget, mais celle-ci compense son manque de graisse par son besoin d'informations sur autrui. Une volonté de commérage qui s'apparente à la bonne conscience que se donne les « gras » et qui lui permet d'être bien vue par ce groupe qu'elle espère joindre.
Cette bataille est parfaitement analysée par Claude Lantier, ami de Florent :
[...] les Gras, énormes à crever, préparant la goinfrerie du soir, tandis que les Maigres, pliés par le jeûne, regardent de la rue avec la mine d’échalas envieux ; et encore les Gras, à table, les joues débordantes, chassant un Maigre qui a eu l’audace de s’introduire humblement, et qui ressemble à une quille au milieu d’un peuple de boules.
Il est d'ailleurs intéressant de voir ce personnage puisqu'il aura son propre livre dédié, L'Œuvre. Toutefois, étant donné son discours et ses apparitions, ce roman ne s'annonce pas joyeux pour lui et sa condition d'artiste.
Finalement, Le Ventre de Paris est une nouvelle preuve que tout ce qui touche de près ou de loin la famille Rougon-Macquart finit par être contaminé pour le meilleur comme pour le pire. Florent ne pouvant s'intégrer à la perfection à ce monde engraissé par les Halles en fait les frais, contrairement à son frère qui s'y trouve installé comme un coq en pâte.
Il s'agit d'un roman qui nous plonge dans l'égoïsme de l'être humain, un trait qui ressort inévitablement quand les intérêts de chacun semblent menacés. Une situation que Claude Lantier résume bien :
Quels gredins que les honnêtes gens !
La curée by Émile Zola
ou encore
font rire jaune quand on réalise que leur ancienneté n'est qu'une question d'âge et que leur fondement est toujours d'actualité.
En revanche, on peut tout de même noter des pensées plutôt datées qui peuvent être critiquées de nos jours. Renée et Maxime sont souvent décrits comme ayant leur genre échangé. La belle-mère aurait un comportement d'homme qui alimente sa débauche, tandis que l'aspect androgyne du beau-fils lui conférerait cette soumission propre aux femmes. Si les deux personnages sont bels et bien pétris de vices, ce sont plutôt leur environnement et leur caractère enclin à l'abandon de soi qui en sont responsables et cette ″inversion de genre″ n'est qu'un détail. Cependant, La Curée est un produit de son temps, et il n'est donc pas étonnant d'y trouver de telles idées.
Finalement, La Curée est un livre dont on ne ressort pas indemne. Offrant un spectacle d'excès d'un point de vue financier et sexuel, il nous fait comprendre une fois de plus que le sang des Rougon-Macquart est destiné à commettre l'irréparable.
4.0
Dans ce deuxième tome des Rougon-Macquart, nous retrouvons Aristide Rougon, ayant troqué son nom de famille pour celui de Saccard. Arrivé de Plassans pour s'installer à Paris, il espère bien faire fortune au plus vite afin d'oublier la pauvreté qu'il quitte. Un désir qu'il parvient à réaliser grâce à la spéculation immobilière durant les travaux du baron Haussmann au sein de la capitale. En face de cette ruée vers l'argent, Renée, seconde femme d'Aristide, s'ennuie terriblement. Une émotion qui en suscitera une autre bien plus compromettante envers son beau-fils Maxime, né du premier mariage d'Aristide.
La curée désigne le moment où les bas morceaux du gibier abattu sont donnés en pâture aux chiens à la fin de la chasse. Une image qui représente bien l'attitude de nombreux personnages de ce roman, et en particulier Aristide Saccard. L'homme ne recule devant rien pour amasser toujours plus d'argent, allant jusque dans l'illégalité. Ce n'est donc pas pour rien qu'au choix de son nouveau patronyme, son frère Eugène commenta « un nom à aller au bagne ou à gagner des millions », car c'est bien une pièce avec ces deux facettes que devient Aristide.
Tous ces passages nous décrivant les actions financières d'Aristide sont plutôt glaçants, car on voit véritablement un chien affamé qui ne sera jamais rassasié, peu importe les morceaux qu'il obtiendra. L'homme ira jusqu'à escroquer sa propre femme qui n'entend malheureusement rien à ce domaine, acceptant donc les conditions de son mari.
Cependant, Renée n'est pas exempte de défauts. Si elle est crédule face aux arnaques de son mari, c'est également parce que la jeune femme se noie dans des dépenses exubérantes et qu'elle doit combler ses dettes. Une attitude qui provient certainement de l'ennui qu'elle éprouve, tentant de retrouver une pointe d'excitation dans sa fièvre acheteuse.
De cet ennui naît aussi un nouveau désir, c'est-à-dire de l'amour non maternel envers son beau-fils Maxime. Ayant épousé Aristide pour se sortir d'une situation ruinant sa réputation, Renée se retrouve donc avec un mari bien plus vieux qu'elle n'apprécie que pour son argent. À côté de cela, Maxime étant beau garçon et de seulement six ou sept ans son cadet, de l'affection se forge automatiquement entre les deux personnages.
En ce qui concerne Maxime, il est loin d'être un saint. Autant dépensier que sa belle-mère, il accumule les plaisirs, préférant vivre des rentes de ses parents. C'est sa mollesse qui l'incite à choisir ce train de vie et qui l'empêche également de refuser les avances de Renée. N'ayant pas la force de s'opposer à ses désirs, il se laisse ballotter en espérant que le vent lui soit toujours favorable.
C'est ce même état d'esprit qui constitue l'essence de sa relation avec son père. Ce dernier lui impose des situations qui ne lui plaise pas mais qu'il n'ose pas rejeter, comme par exemple un mariage, car un conflit lui coûterait bien trop d'énergie. Par ailleurs, les propositions de son père ayant l'avantage de lui assurer un riche avenir, Maxime préfère encore se laisser porter par ses manigances.
Ces trois personnes sont au cœur du roman et représentent bien son titre. Chacun se nourrit des biens de Paris à sa façon, Renée finissant même par devenir un morceau que l'on dévore à son tour. L'excès est de mise et l'on ne peut que se sentir mal à l'aise devant le comportement de ces êtres ne se remettant jamais en question. Si réflexion sur soi-même il y a, il est de toute façon bien trop tard pour que les dégâts ne soient pas irréversibles.
Pour nous faire ressentir tout cela, Zola fait à nouveau preuve d'un style d'écriture pertinent, notamment grâce à ses descriptions qu'il met en comparaison avec des vices. Nous assistons donc à des banquets où règne l’opulence, les invités se servant allègrement dans les plats avec férocité. Nous découvrons ainsi une serre aux plantes luxuriantes, répandant une chaleur humide, à l'image du désir interdit qui croît au sein de Renée.
Mais au-delà du fait que l'auteur nous transporte dans cette période de l'excès, il est incroyable de constater à quel point les mentalités des hautes classes sociales sont proches d'aujourd'hui. Lire des dialogues comme
La curée désigne le moment où les bas morceaux du gibier abattu sont donnés en pâture aux chiens à la fin de la chasse. Une image qui représente bien l'attitude de nombreux personnages de ce roman, et en particulier Aristide Saccard. L'homme ne recule devant rien pour amasser toujours plus d'argent, allant jusque dans l'illégalité. Ce n'est donc pas pour rien qu'au choix de son nouveau patronyme, son frère Eugène commenta « un nom à aller au bagne ou à gagner des millions », car c'est bien une pièce avec ces deux facettes que devient Aristide.
Tous ces passages nous décrivant les actions financières d'Aristide sont plutôt glaçants, car on voit véritablement un chien affamé qui ne sera jamais rassasié, peu importe les morceaux qu'il obtiendra. L'homme ira jusqu'à escroquer sa propre femme qui n'entend malheureusement rien à ce domaine, acceptant donc les conditions de son mari.
Cependant, Renée n'est pas exempte de défauts. Si elle est crédule face aux arnaques de son mari, c'est également parce que la jeune femme se noie dans des dépenses exubérantes et qu'elle doit combler ses dettes. Une attitude qui provient certainement de l'ennui qu'elle éprouve, tentant de retrouver une pointe d'excitation dans sa fièvre acheteuse.
De cet ennui naît aussi un nouveau désir, c'est-à-dire de l'amour non maternel envers son beau-fils Maxime. Ayant épousé Aristide pour se sortir d'une situation ruinant sa réputation, Renée se retrouve donc avec un mari bien plus vieux qu'elle n'apprécie que pour son argent. À côté de cela, Maxime étant beau garçon et de seulement six ou sept ans son cadet, de l'affection se forge automatiquement entre les deux personnages.
En ce qui concerne Maxime, il est loin d'être un saint. Autant dépensier que sa belle-mère, il accumule les plaisirs, préférant vivre des rentes de ses parents. C'est sa mollesse qui l'incite à choisir ce train de vie et qui l'empêche également de refuser les avances de Renée. N'ayant pas la force de s'opposer à ses désirs, il se laisse ballotter en espérant que le vent lui soit toujours favorable.
C'est ce même état d'esprit qui constitue l'essence de sa relation avec son père. Ce dernier lui impose des situations qui ne lui plaise pas mais qu'il n'ose pas rejeter, comme par exemple un mariage, car un conflit lui coûterait bien trop d'énergie. Par ailleurs, les propositions de son père ayant l'avantage de lui assurer un riche avenir, Maxime préfère encore se laisser porter par ses manigances.
Ces trois personnes sont au cœur du roman et représentent bien son titre. Chacun se nourrit des biens de Paris à sa façon, Renée finissant même par devenir un morceau que l'on dévore à son tour. L'excès est de mise et l'on ne peut que se sentir mal à l'aise devant le comportement de ces êtres ne se remettant jamais en question. Si réflexion sur soi-même il y a, il est de toute façon bien trop tard pour que les dégâts ne soient pas irréversibles.
Pour nous faire ressentir tout cela, Zola fait à nouveau preuve d'un style d'écriture pertinent, notamment grâce à ses descriptions qu'il met en comparaison avec des vices. Nous assistons donc à des banquets où règne l’opulence, les invités se servant allègrement dans les plats avec férocité. Nous découvrons ainsi une serre aux plantes luxuriantes, répandant une chaleur humide, à l'image du désir interdit qui croît au sein de Renée.
Mais au-delà du fait que l'auteur nous transporte dans cette période de l'excès, il est incroyable de constater à quel point les mentalités des hautes classes sociales sont proches d'aujourd'hui. Lire des dialogues comme
« Quant à la dépense, déclara gravement le député Haffner, qui n’ouvrait la bouche que dans les grandes occasions, nos enfants la payeront, et rien ne sera plus juste. »
ou encore
« Maintenant, ils parlaient des ouvriers, en reprenant leur marche prudente au milieu des flaques. Il n’y en avait pas beaucoup de bons. C’étaient tous des fainéants, des mange-tout, et entêtés avec cela, ne rêvant que la ruine des patrons. »
font rire jaune quand on réalise que leur ancienneté n'est qu'une question d'âge et que leur fondement est toujours d'actualité.
En revanche, on peut tout de même noter des pensées plutôt datées qui peuvent être critiquées de nos jours. Renée et Maxime sont souvent décrits comme ayant leur genre échangé. La belle-mère aurait un comportement d'homme qui alimente sa débauche, tandis que l'aspect androgyne du beau-fils lui conférerait cette soumission propre aux femmes. Si les deux personnages sont bels et bien pétris de vices, ce sont plutôt leur environnement et leur caractère enclin à l'abandon de soi qui en sont responsables et cette ″inversion de genre″ n'est qu'un détail. Cependant, La Curée est un produit de son temps, et il n'est donc pas étonnant d'y trouver de telles idées.
Finalement, La Curée est un livre dont on ne ressort pas indemne. Offrant un spectacle d'excès d'un point de vue financier et sexuel, il nous fait comprendre une fois de plus que le sang des Rougon-Macquart est destiné à commettre l'irréparable.
La Fortune des Rougon by Émile Zola
3.0
La Fortune des Rougon se divise en deux tronçons, même si les événements ne sont pas toujours racontés de façon chronologique.
D'une part, nous suivons les origines de cette famille, où tout commence par Adélaïque Fouque. De cette femme naît Pierre Rougon, personnage sur lequel est centré ce premier roman, mais également Antoine et Ursule suite à sa liaison avec Macquart. La Fortune des Rougon prend ainsi soin de nous exposer toutes les branches qui poussent à partir de ces racines, nous dressant un véritable tableau généalogique.
D'autre part, nous voyons comment les Rougon réagissent au coup d'État du 2 décembre 1851, événement qui sépare le peuple entre les conservateurs d'un côté et les républicains de l'autre. Chaque membre de la famille décident donc de la meilleure stratégie à adopter afin de sortir de la pauvreté et grimper l'échelle sociale.
Comme indiqué précédemment tout cela n'est pas narré de manière purement chronologique. Zola nous présente d'abord deux adolescents, Silvère et Miette, finissant par rejoindre une marche d'insurgés. Ce n'est que plus tard que l'on comprend le lien du garçon avec les Rougon-Macquart et à quel point tout semble l'opposer à sa famille.
En effet, La Fortune des Rougon est empreint d'une grande dualité tout au long de son récit. On peut noter par exemple l'amour qui unit Silvère et Miette, s'opposant à la haine continuelle qu'éprouvent les Rougon entre eux. On le remarque également dans le choix des partis politiques, puisque Silvère et Miette rejoignent les insurgés déterminés à défendre la République, tandis que les Rougon préfèrent se ranger du côté des conservateurs. Finalement, le point culminant se situe avec la plus grande des oppositions, à savoir la vie et la mort.
Il est d'ailleurs intéressant de relever que malgré les différentes catégories, ce sont toujours les mêmes personnages qui triomphent, car c'est cela l'histoire de La Fortune des Rougon : le cheminement de personnages qui parviennent à leurs fins malgré leurs pires travers, écrasant les autres jugés faibles et obstruant leur réussite.
Si tout cela fonctionne aussi bien, c'est grâce au style d'écriture d'Émile Zola. L'auteur joue avec les descriptions macabres comme l'introduction nous contant la transformation du cimetière, n'hésitant pas à nous confronter aux actions ou réflexions odieuses des personnages de façon crue, mais parvenant tout de même à le faire avec une touche de poésie, complétant donc la dualité du roman à la perfection.
Petit bémol, le texte possède quelques longueurs, notamment lors de l'idylle entre Silvère et Miette, qui, malgré son aspect touchant, est clairement là pour attendrir le lecteur avant la tragédie qui l'attend. À propos de cette romance, il faut également soulever que d'un point de vue moderne, la différence d'âge entre les deux personnages s'avère un peu particulière. Enfin, la préface de l'auteur expliquant sa démarche scientifique paraît plutôt farfelue de nos jours, mais le roman n'en demeure pas moins agréable à lire.
Finalement, La Fortune des Rougon étant le premier tome d'une série, on sent cette volonté de Zola d'en faire une introduction générale à toute la saga. Ainsi, une grande partie de la généalogie de la famille est présente, mais avec une superficialité qui laisse quand même le lecteur sur sa faim. Celle-ci sera bien entendu assouvie grâce aux livres suivants. Toutefois, La Fortune des Rougon possède ses propres péripéties qui nous font bien comprendre que nous allons pénétrer dans un monde ignoble, et notre curiosité morbide en est piquée au point d'en vouloir davantage.
D'une part, nous suivons les origines de cette famille, où tout commence par Adélaïque Fouque. De cette femme naît Pierre Rougon, personnage sur lequel est centré ce premier roman, mais également Antoine et Ursule suite à sa liaison avec Macquart. La Fortune des Rougon prend ainsi soin de nous exposer toutes les branches qui poussent à partir de ces racines, nous dressant un véritable tableau généalogique.
D'autre part, nous voyons comment les Rougon réagissent au coup d'État du 2 décembre 1851, événement qui sépare le peuple entre les conservateurs d'un côté et les républicains de l'autre. Chaque membre de la famille décident donc de la meilleure stratégie à adopter afin de sortir de la pauvreté et grimper l'échelle sociale.
Comme indiqué précédemment tout cela n'est pas narré de manière purement chronologique. Zola nous présente d'abord deux adolescents, Silvère et Miette, finissant par rejoindre une marche d'insurgés. Ce n'est que plus tard que l'on comprend le lien du garçon avec les Rougon-Macquart et à quel point tout semble l'opposer à sa famille.
En effet, La Fortune des Rougon est empreint d'une grande dualité tout au long de son récit. On peut noter par exemple l'amour qui unit Silvère et Miette, s'opposant à la haine continuelle qu'éprouvent les Rougon entre eux. On le remarque également dans le choix des partis politiques, puisque Silvère et Miette rejoignent les insurgés déterminés à défendre la République, tandis que les Rougon préfèrent se ranger du côté des conservateurs. Finalement, le point culminant se situe avec la plus grande des oppositions, à savoir la vie et la mort.
Il est d'ailleurs intéressant de relever que malgré les différentes catégories, ce sont toujours les mêmes personnages qui triomphent, car c'est cela l'histoire de La Fortune des Rougon : le cheminement de personnages qui parviennent à leurs fins malgré leurs pires travers, écrasant les autres jugés faibles et obstruant leur réussite.
Si tout cela fonctionne aussi bien, c'est grâce au style d'écriture d'Émile Zola. L'auteur joue avec les descriptions macabres comme l'introduction nous contant la transformation du cimetière, n'hésitant pas à nous confronter aux actions ou réflexions odieuses des personnages de façon crue, mais parvenant tout de même à le faire avec une touche de poésie, complétant donc la dualité du roman à la perfection.
Petit bémol, le texte possède quelques longueurs, notamment lors de l'idylle entre Silvère et Miette, qui, malgré son aspect touchant, est clairement là pour attendrir le lecteur avant la tragédie qui l'attend. À propos de cette romance, il faut également soulever que d'un point de vue moderne, la différence d'âge entre les deux personnages s'avère un peu particulière. Enfin, la préface de l'auteur expliquant sa démarche scientifique paraît plutôt farfelue de nos jours, mais le roman n'en demeure pas moins agréable à lire.
Finalement, La Fortune des Rougon étant le premier tome d'une série, on sent cette volonté de Zola d'en faire une introduction générale à toute la saga. Ainsi, une grande partie de la généalogie de la famille est présente, mais avec une superficialité qui laisse quand même le lecteur sur sa faim. Celle-ci sera bien entendu assouvie grâce aux livres suivants. Toutefois, La Fortune des Rougon possède ses propres péripéties qui nous font bien comprendre que nous allons pénétrer dans un monde ignoble, et notre curiosité morbide en est piquée au point d'en vouloir davantage.
His Dark Materials: The Complete Collection by Philip Pullman
4.0
L'histoire est celle de Lyra Belacqua, une jeune fille de douze ans vivant dans un monde semblable au nôtre à l'exception que ses humains possèdent des dæmons. Ces créatures, ayant la forme d'un animal, sont en quelque sorte la matérialisation de l'âme. Jusqu'à l'adolescence, le dæmon peut changer de forme à volonté, mais lorsque l'enfant grandit son dæmon se stabilise pour garder la forme qui caractérise la personnalité de l'humain auquel il est attaché.
Évoluant dans ce monde, Lyra découvre par hasard l'existence de la Poussière, étrange particule élémentaire dotée d'une conscience, qui fascine et effraie les adultes. Cependant, un tout autre problème requiert toute l'attention de la jeune fille, puisque des enleveurs d'enfants sévissent à travers le pays, et son meilleur ami Roger devient l'une de leurs victimes. Lyra se lance donc sur ses traces, cette aventure lui faisant apprendre de nombreuses choses sur elle-même, la Poussière, ainsi que la présence de mondes parallèles.
His Dark Materials est une trilogie classée jeunesse, pourtant elle fait partie de ces œuvres qui sont tellement riches qu'il est bon et intéressant de les lire à plusieurs stades de sa vie.
His Dark Materials a tout pour plaire. Chaque opus possède son lot d'aventure et de dépaysement, chaque lieu ayant ses particularités. Ainsi, dans le premier tome, on est curieux de découvrir les panserbjørnes, ces ours en armure capables de forger le métal. Dans le deuxième tome, on est surpris de découvrir l'existence des anges ou encore des spectres. Dans le troisième tome, ce sont ces animaux à roues appelés mulefas qui sont de véritables interrogations.
Concernant les péripéties, Philip Pullman nous a concocté une histoire captivante à partir d'un schéma assez classique. Nous avons une héroïne, plus tard rejointe par un garçon d'environ son âge, les deux protagonistes avançant au fur et à mesure des épreuves et se voyant guidés par d'autres personnages plus mûrs qui servent de mentors. Toutefois, les événements racontés sont loin d'être ordinaires. L'auteur ne prend clairement pas de pincettes avec son lecteur, faisant traverser ses personnages par des phases allant de difficiles à traumatisantes. Néanmoins, rien n'est gratuit et tout sert les thèmes de la trilogie.
His Dark Materials est en quelque sorte une nouvelle genèse. La Poussière est le symbole de la connaissance, de la conscience de soi, et c'est pour cette raison qu'elle est davantage présente chez les adultes que chez les enfants. Cependant, elle est également la matérialisation du Péché Originel et pour cette raison, certains personnages du livre cherchent à la détruire. Cependant, la trilogie ne présente pas la désobéissance conduisant à la Chute comme une erreur, de même que la Chute n'en est pas une. En effet, selon l'auteur, le savoir, cette connaissance du Bien et du Mal, de choisir l'un ou l'autre en fonction des situations est ce qui rend l'Homme intéressant malgré cette faiblesse qui le compose.
Un autre thème qui s'additionne à la religion est celui du passage à l'âge adulte. En effet, cette évolution représente cette expérience du Bien et du Mal, ce savoir que possède les adultes et que les enfants doivent acquérir par eux-même. Elle est manifestée plus particulièrement à travers les dæmons et leur apparence qui se modifient pour enfin se stabiliser. Ce processus est celui du passage de l'innocence à la connaissance. Tout au long du livre, l'aventure que vit les deux héros s'apparentent à cette quête de la maturité qui ne se fait pas sans sacrifice.
Du point de vue de l'écriture, Philip Pullman nous offre de la qualité avec un texte qui ne manque pas de poésie. Par ailleurs, il est également bon de noter que les enfants sont plutôt bien écrits dans son œuvre, leurs actions et comportements étant plutôt crédibles que ce soit dans leurs moments d'innocence, de sauvagerie, d'insolence, et plus tard de maturité.
Finalement His Dark Materials est une trilogie qui mérite que l'on s'attarde dessus peu importe l'âge que l'on a. Nous plongeant dans un univers bien construit, ce sont des livres qui n'ont pas peur d'aborder des éléments complexes ainsi que des thèmes forts qui ne peuvent pas nous laisser indifférents. Le seul bémol serait la présence de passages plus lents, ralentissant un peu trop le rythme après certains chapitres chargés d'action. Un détail qui se fait tout de même oublier face au reste.
Évoluant dans ce monde, Lyra découvre par hasard l'existence de la Poussière, étrange particule élémentaire dotée d'une conscience, qui fascine et effraie les adultes. Cependant, un tout autre problème requiert toute l'attention de la jeune fille, puisque des enleveurs d'enfants sévissent à travers le pays, et son meilleur ami Roger devient l'une de leurs victimes. Lyra se lance donc sur ses traces, cette aventure lui faisant apprendre de nombreuses choses sur elle-même, la Poussière, ainsi que la présence de mondes parallèles.
His Dark Materials est une trilogie classée jeunesse, pourtant elle fait partie de ces œuvres qui sont tellement riches qu'il est bon et intéressant de les lire à plusieurs stades de sa vie.
His Dark Materials a tout pour plaire. Chaque opus possède son lot d'aventure et de dépaysement, chaque lieu ayant ses particularités. Ainsi, dans le premier tome, on est curieux de découvrir les panserbjørnes, ces ours en armure capables de forger le métal. Dans le deuxième tome, on est surpris de découvrir l'existence des anges ou encore des spectres. Dans le troisième tome, ce sont ces animaux à roues appelés mulefas qui sont de véritables interrogations.
Concernant les péripéties, Philip Pullman nous a concocté une histoire captivante à partir d'un schéma assez classique. Nous avons une héroïne, plus tard rejointe par un garçon d'environ son âge, les deux protagonistes avançant au fur et à mesure des épreuves et se voyant guidés par d'autres personnages plus mûrs qui servent de mentors. Toutefois, les événements racontés sont loin d'être ordinaires. L'auteur ne prend clairement pas de pincettes avec son lecteur, faisant traverser ses personnages par des phases allant de difficiles à traumatisantes. Néanmoins, rien n'est gratuit et tout sert les thèmes de la trilogie.
His Dark Materials est en quelque sorte une nouvelle genèse. La Poussière est le symbole de la connaissance, de la conscience de soi, et c'est pour cette raison qu'elle est davantage présente chez les adultes que chez les enfants. Cependant, elle est également la matérialisation du Péché Originel et pour cette raison, certains personnages du livre cherchent à la détruire. Cependant, la trilogie ne présente pas la désobéissance conduisant à la Chute comme une erreur, de même que la Chute n'en est pas une. En effet, selon l'auteur, le savoir, cette connaissance du Bien et du Mal, de choisir l'un ou l'autre en fonction des situations est ce qui rend l'Homme intéressant malgré cette faiblesse qui le compose.
Un autre thème qui s'additionne à la religion est celui du passage à l'âge adulte. En effet, cette évolution représente cette expérience du Bien et du Mal, ce savoir que possède les adultes et que les enfants doivent acquérir par eux-même. Elle est manifestée plus particulièrement à travers les dæmons et leur apparence qui se modifient pour enfin se stabiliser. Ce processus est celui du passage de l'innocence à la connaissance. Tout au long du livre, l'aventure que vit les deux héros s'apparentent à cette quête de la maturité qui ne se fait pas sans sacrifice.
Du point de vue de l'écriture, Philip Pullman nous offre de la qualité avec un texte qui ne manque pas de poésie. Par ailleurs, il est également bon de noter que les enfants sont plutôt bien écrits dans son œuvre, leurs actions et comportements étant plutôt crédibles que ce soit dans leurs moments d'innocence, de sauvagerie, d'insolence, et plus tard de maturité.
Finalement His Dark Materials est une trilogie qui mérite que l'on s'attarde dessus peu importe l'âge que l'on a. Nous plongeant dans un univers bien construit, ce sont des livres qui n'ont pas peur d'aborder des éléments complexes ainsi que des thèmes forts qui ne peuvent pas nous laisser indifférents. Le seul bémol serait la présence de passages plus lents, ralentissant un peu trop le rythme après certains chapitres chargés d'action. Un détail qui se fait tout de même oublier face au reste.
Watership Down by Richard Adams
4.5
Watership Down est un roman qui possède sa petite réputation en Grande-Bretagne, ayant été adapté en film, en plusieurs séries télévisées, au théâtre et même à la radio. Pourtant, le titre s'avère plutôt méconnu en France, ce qui est assez étonnant, car le livre a des similarités avec The Animals of Farthing Wood (Les Animaux du Bois de Quat'sous).
En effet, Watership Down nous conte l'histoire d'un groupe de lapins de garenne qui, suite à la prédiction de l'un des leurs, fuit la destruction de leur foyer par l'Homme. Le lecteur découvrira donc les conséquences d'un tel voyage, accompagnant ces êtres fragiles dans leur recherche d'une nouvelle maison, bien des dangers se dressant sur leur route.
Dans l'introduction du roman, l'auteur déclare qu'il a dû essuyer plusieurs refus de la part des éditeurs, tous invoquant la même raison : le récit aurait un ton trop adulte pour des enfants, mais les plus vieux ne s'intéresseraient jamais à une histoire où les personnages sont des lapins. À mon humble avis, les enfants sont suffisamment intelligents pour comprendre ce qu'il se passe, et les plus vieux devraient apprendre à ne pas juger un livre à sa couverture. Richard Adams ne nous propose pas quelque chose de niais et mignon, mais bien une véritable épopée.
Le premier élément qui nous lance sur cette piste, c'est le personnage de Fiver. Il s'agit du lapin qui prévoit la destruction du terrier. Malheureusement, à la manière de Cassandre – une inspiration revendiquée par l'auteur lui-même – le pauvre Fiver ne parvient pas à convaincre son auditoire, à l'exception de son frère Hazel. Ce dernier devient par ailleurs le chef du groupe vagabond et pourrait s'apparenter à une figure comme Ulysse. Rusé et doté de l'autorité qu'il convient, il possède également la sagesse nécessaire pour voir plus loin que le bout de son nez. Des qualités qui lui permettront de déceler les points forts de ses compagnons et d'accomplir des actes inhabituels pour des lapins, mais fortement utiles pour leur survie.
L'histoire se déroule d'ailleurs au gré de péripéties dignes de classiques grecs. On peut noter par exemple la visite dans un terrier aux apparences idylliques, mais dissimulant un secret terrifiant, ou bien la présence de scènes de combat héroïques et de traversées aquatiques. Des éléments qui, à la manière des anciens récits, sont forts en symboliques.
L'auteur a beau expliquer que son roman n'a pas pour but d'être allégorique, certains thèmes se dégagent inévitablement de l’œuvre. Un des plus évidents est bien entendu l'impact de l'Homme sur la nature. Son côté destructeur oblige les animaux à s'adapter selon ses caprices, pourtant ses actions peuvent également être bénéfiques, que ce soit via des inventions ou une simple prise de conscience de l'environnement qui l'entoure.
Ce sujet est en lien avec l'hymne à la liberté résonnant au sein de l'histoire. Le groupe de lapins rencontrent des congénères domestiqués, l'enfermement pesant sur leur santé mentale et physique. De même, lorsque l'on découvre le terrier Efrafa avec ses règles se rapprochant de celles d'un régime totalitaire, son dirigeant est tout de suite vu comme ayant dépassé sa condition de lapin pour devenir un ennemi, et nul doute que cette évolution le rapproche davantage d'un homme que d'un lagomorphe. Ainsi, le groupe dirigé par Hazel représente cette soif et ce besoin de liberté essentiel à tout être vivant.
Bien qu'usant d’anthropomorphisme, Watership Down tente tout de même de conserver un aspect réaliste dans le comportement des personnages. Le fait que les lapins soient naturellement peureux, qu'il s'agisse d'animaux davantage nocturnes que diurnes, et bien d'autres détails. Cependant, Richard Adams se permet de jouer un peu avec les limites de ce réalisme. Il a donc créé un langage spécifique aux lagomorphes qui revient régulièrement au cours des dialogues. Par exemple, le terme "silflay" signifie "aller à la surface pour manger", "hrududu" désigne une automobile, "embleer" est un adjectif pouvant être traduit par "puanteur" et qui se réfère aux renards et aux prédateurs de manière plus générale, etc. Cette idée enrichit véritablement le récit, mais le point culminant est la mythologie inventée.
En effet, les lapins possèdent une sorte de dieu avec un héros mythique, El-ahrairah, ayant défini leur espèce à travers des aventures pleines de malice. Une façon de renforcer le lien avec l'épopée, d'autant plus qu'un lapin sert souvent de conteur, à l'image de nos traditions. La mythologie prend donc une forme de religion, le thème étant abordé avec mesure, montrant les possibles directions d'une telle pensée.
Finalement, Watership Down est un roman qu'il est bon de glisser entre toutes les mains. À l'image de L'Odyssée, on suit des personnages qui luttent contre des circonstances qui dépassent leur entendement, et dont le parcours semé d'embûches rend la fin d'autant plus gratifiante. Un sentiment amplifié par le fait qu'il s'agisse de lapins, animal naturellement faible et aux multiples prédateurs.
Le seul reproche que l'on pourrait lui formuler est la présence de petites phrases datées, transportant des stéréotypes sur certains peuples. Néanmoins, elles sont suffisamment rares pour ne pas entacher la lecture.
En effet, Watership Down nous conte l'histoire d'un groupe de lapins de garenne qui, suite à la prédiction de l'un des leurs, fuit la destruction de leur foyer par l'Homme. Le lecteur découvrira donc les conséquences d'un tel voyage, accompagnant ces êtres fragiles dans leur recherche d'une nouvelle maison, bien des dangers se dressant sur leur route.
Dans l'introduction du roman, l'auteur déclare qu'il a dû essuyer plusieurs refus de la part des éditeurs, tous invoquant la même raison : le récit aurait un ton trop adulte pour des enfants, mais les plus vieux ne s'intéresseraient jamais à une histoire où les personnages sont des lapins. À mon humble avis, les enfants sont suffisamment intelligents pour comprendre ce qu'il se passe, et les plus vieux devraient apprendre à ne pas juger un livre à sa couverture. Richard Adams ne nous propose pas quelque chose de niais et mignon, mais bien une véritable épopée.
Le premier élément qui nous lance sur cette piste, c'est le personnage de Fiver. Il s'agit du lapin qui prévoit la destruction du terrier. Malheureusement, à la manière de Cassandre – une inspiration revendiquée par l'auteur lui-même – le pauvre Fiver ne parvient pas à convaincre son auditoire, à l'exception de son frère Hazel. Ce dernier devient par ailleurs le chef du groupe vagabond et pourrait s'apparenter à une figure comme Ulysse. Rusé et doté de l'autorité qu'il convient, il possède également la sagesse nécessaire pour voir plus loin que le bout de son nez. Des qualités qui lui permettront de déceler les points forts de ses compagnons et d'accomplir des actes inhabituels pour des lapins, mais fortement utiles pour leur survie.
L'histoire se déroule d'ailleurs au gré de péripéties dignes de classiques grecs. On peut noter par exemple la visite dans un terrier aux apparences idylliques, mais dissimulant un secret terrifiant, ou bien la présence de scènes de combat héroïques et de traversées aquatiques. Des éléments qui, à la manière des anciens récits, sont forts en symboliques.
L'auteur a beau expliquer que son roman n'a pas pour but d'être allégorique, certains thèmes se dégagent inévitablement de l’œuvre. Un des plus évidents est bien entendu l'impact de l'Homme sur la nature. Son côté destructeur oblige les animaux à s'adapter selon ses caprices, pourtant ses actions peuvent également être bénéfiques, que ce soit via des inventions ou une simple prise de conscience de l'environnement qui l'entoure.
Ce sujet est en lien avec l'hymne à la liberté résonnant au sein de l'histoire. Le groupe de lapins rencontrent des congénères domestiqués, l'enfermement pesant sur leur santé mentale et physique. De même, lorsque l'on découvre le terrier Efrafa avec ses règles se rapprochant de celles d'un régime totalitaire, son dirigeant est tout de suite vu comme ayant dépassé sa condition de lapin pour devenir un ennemi, et nul doute que cette évolution le rapproche davantage d'un homme que d'un lagomorphe. Ainsi, le groupe dirigé par Hazel représente cette soif et ce besoin de liberté essentiel à tout être vivant.
Bien qu'usant d’anthropomorphisme, Watership Down tente tout de même de conserver un aspect réaliste dans le comportement des personnages. Le fait que les lapins soient naturellement peureux, qu'il s'agisse d'animaux davantage nocturnes que diurnes, et bien d'autres détails. Cependant, Richard Adams se permet de jouer un peu avec les limites de ce réalisme. Il a donc créé un langage spécifique aux lagomorphes qui revient régulièrement au cours des dialogues. Par exemple, le terme "silflay" signifie "aller à la surface pour manger", "hrududu" désigne une automobile, "embleer" est un adjectif pouvant être traduit par "puanteur" et qui se réfère aux renards et aux prédateurs de manière plus générale, etc. Cette idée enrichit véritablement le récit, mais le point culminant est la mythologie inventée.
En effet, les lapins possèdent une sorte de dieu avec un héros mythique, El-ahrairah, ayant défini leur espèce à travers des aventures pleines de malice. Une façon de renforcer le lien avec l'épopée, d'autant plus qu'un lapin sert souvent de conteur, à l'image de nos traditions. La mythologie prend donc une forme de religion, le thème étant abordé avec mesure, montrant les possibles directions d'une telle pensée.
Finalement, Watership Down est un roman qu'il est bon de glisser entre toutes les mains. À l'image de L'Odyssée, on suit des personnages qui luttent contre des circonstances qui dépassent leur entendement, et dont le parcours semé d'embûches rend la fin d'autant plus gratifiante. Un sentiment amplifié par le fait qu'il s'agisse de lapins, animal naturellement faible et aux multiples prédateurs.
Le seul reproche que l'on pourrait lui formuler est la présence de petites phrases datées, transportant des stéréotypes sur certains peuples. Néanmoins, elles sont suffisamment rares pour ne pas entacher la lecture.
The Master and Margarita by Mikhail Bulgakov
Hormis ces réflexions sur l'étendue des capacités de la nature humaine, The Master and Margarita possède toute une méditation sur l'art, et de ce côté-là, on ressent véritablement une part autobiographique. En effet, Mikhail Bulgakov eut de nombreux problèmes avec sa profession. Subissant la censure et voyant ses confrères emprisonnés, l'auteur désirait une liberté de création, mais son combat se teinta de pessimisme. Il brûla le premier manuscrit de The Master and Margarita, pour finalement le réécrire et le réviser jusqu'à la fin de sa vie. Ce fut le soutient de sa femme Elena Shilovskaya qui lui permit de maintenir le cap, celle-ci étant à l'origine de la première publication. Des éléments qui sont fortement similaires avec l'histoire des deux personnages éponymes. C'est donc toute une lutte qui nous est racontée dans ce récit, une incapacité à produire cet art, accompagnée d'une impossibilité à renoncer à ce désir de création.
Toutefois, malgré la noirceur qui se dégage des moments comiques et dramatiques, The Master and Margarita porte un message d'espoir. On le voit dans la justice rendue, mais spécialement dans le personnage de Margarita. Figure indéniablement forte, elle est celle sans qui le monde présenté ne tournerait pas rond. D'abord enfermée dans une vie qui lui déplaît, elle brise ses chaînes et goûte à la liberté, ce qui lui permet d'influencer son entourage d'une bonne manière. Portant un amour inconditionnel envers le Maître, elle devient donc sa béquille lorsque l'homme est tenté d'abandonner. Incarnant ce que la nature humaine à de meilleur à offrir, elle obtient donc une récompense de la part de Woland. Margarita est la paix dans tout ce tumulte.
Tous ces thèmes sont déjà intéressants en soi, mais c'est la façon dont ils sont exposés qui rend le roman si fascinant. Alternant les points de vue, accumulant diverses références, The Master and Margarita donne l'impression d'entrer dans un rêve. On y retrouve des éléments de la réalité, mais certains sont modifiés et fantasmés avec un voile de fantastique. Comme le personnage de Bezdomny au début de l’œuvre, on s'étonne de voir un chat essayer de payer un ticket de tramway, mais petit à petit, on se laisse porter par la douce folie de ce récit et l'on accueille les étrangetés avec plaisir.
La plus grande d'entre elles est bien entendu les interludes concernant Ponce Pilate. Pourtant, au fil des pages, le lien de cette histoire avec le reste est limpide. Le procurateur a pour profession d'accomplir la justice, mais il est assailli de doutes et se sent écrasé par la société qui l'entoure, son esprit n'étant apaisé que par son fidèle compagnon Banga. Enfin, son récit est à l'image de l’œuvre elle-même, un mélange de la réalité et de la fiction, fusionnant les souvenirs de Woland et la création du Maître.
Finalement, The Master and Margarita est un livre fantastique, dans tous les sens du terme. À la fois touchant, pertinent, et ensorcelant, il mérite son statut de classique de la littérature russe. On peut bien sûr remarquer quelques incohérences dans la deuxième partie dues au côté inachevé du roman, mais elles ne sont pas dérangeantes. En outre, lorsque l'on constate ce qu'a pu nous offrir Bulgakov, on ne peut que rester songeur devant l'idée de ce que cette œuvre aurait pu être si l'auteur avait eu le temps de la polir selon ses souhaits.
5.0
The Master and Margarita est un roman de Mikhail Bulgakov qui a subi un véritable parcours du combattant afin de voir le jour. Écrite entre 1928 et 1940 sous le régime de Staline, cette œuvre n'a pas pu être révisée avant la mort de l'auteur. Une version censurée fut malgré tout publiée dans le magazine Moskva de 1966 à 1967, mais il fallut attendre 1973 pour enfin lire ce livre dans son intégralité. Mais de quoi parle donc ce roman ?
The Master and Margarita peut être divisé en deux parties. La première nous permet de faire la connaissance de Woland et de ses acolytes, le petit groupe se faisant un malin plaisir à ruiner la vie de plusieurs habitants de Moscou, tandis que la deuxième partie se concentre sur Margarita.
À lire cette œuvre, il est évident que l'on assiste à une satire du contexte de l'époque, que ce soit d'un point de vue politique, économique, ou même social. C'est d'ailleurs à la manière d'un conte philosophique de Bulgakov nous délivre sa pensée.
Le lecteur comprend très vite que Woland est le diable, pourtant le destin des personnages qui le croisent varie selon leurs actions. En effet, seuls les êtres corrompus et prompt à la lâcheté subissent un châtiment à la hauteur de leurs fautes et vices, tandis que la bonne foi et le dévouement sont récompensés à leur juste valeur. De cette façon, on assiste à une sorte de justice poétique, rendant le diable plutôt sympathique puisque ce dernier n'est pas à la source des maux, mais travaille à l'équilibre du bien et du mal provoqués par la nature humaine. Il s'agit d'un thème imprégnant tout le récit, et qui est résumé par Woland dans cette citation :
The Master and Margarita peut être divisé en deux parties. La première nous permet de faire la connaissance de Woland et de ses acolytes, le petit groupe se faisant un malin plaisir à ruiner la vie de plusieurs habitants de Moscou, tandis que la deuxième partie se concentre sur Margarita.
À lire cette œuvre, il est évident que l'on assiste à une satire du contexte de l'époque, que ce soit d'un point de vue politique, économique, ou même social. C'est d'ailleurs à la manière d'un conte philosophique de Bulgakov nous délivre sa pensée.
Le lecteur comprend très vite que Woland est le diable, pourtant le destin des personnages qui le croisent varie selon leurs actions. En effet, seuls les êtres corrompus et prompt à la lâcheté subissent un châtiment à la hauteur de leurs fautes et vices, tandis que la bonne foi et le dévouement sont récompensés à leur juste valeur. De cette façon, on assiste à une sorte de justice poétique, rendant le diable plutôt sympathique puisque ce dernier n'est pas à la source des maux, mais travaille à l'équilibre du bien et du mal provoqués par la nature humaine. Il s'agit d'un thème imprégnant tout le récit, et qui est résumé par Woland dans cette citation :
But would you kindly ponder this question: What would your good do if evil didn't exist, and what would the earth look like if all the shadows disappeared? After all, shadows are cast by things and people. Here is the shadow of my sword. But shadows also come from trees and living beings. Do you want to strip the earth of all trees and living things just because of your fantasy of enjoying naked light? You're stupid.
Hormis ces réflexions sur l'étendue des capacités de la nature humaine, The Master and Margarita possède toute une méditation sur l'art, et de ce côté-là, on ressent véritablement une part autobiographique. En effet, Mikhail Bulgakov eut de nombreux problèmes avec sa profession. Subissant la censure et voyant ses confrères emprisonnés, l'auteur désirait une liberté de création, mais son combat se teinta de pessimisme. Il brûla le premier manuscrit de The Master and Margarita, pour finalement le réécrire et le réviser jusqu'à la fin de sa vie. Ce fut le soutient de sa femme Elena Shilovskaya qui lui permit de maintenir le cap, celle-ci étant à l'origine de la première publication. Des éléments qui sont fortement similaires avec l'histoire des deux personnages éponymes. C'est donc toute une lutte qui nous est racontée dans ce récit, une incapacité à produire cet art, accompagnée d'une impossibilité à renoncer à ce désir de création.
Toutefois, malgré la noirceur qui se dégage des moments comiques et dramatiques, The Master and Margarita porte un message d'espoir. On le voit dans la justice rendue, mais spécialement dans le personnage de Margarita. Figure indéniablement forte, elle est celle sans qui le monde présenté ne tournerait pas rond. D'abord enfermée dans une vie qui lui déplaît, elle brise ses chaînes et goûte à la liberté, ce qui lui permet d'influencer son entourage d'une bonne manière. Portant un amour inconditionnel envers le Maître, elle devient donc sa béquille lorsque l'homme est tenté d'abandonner. Incarnant ce que la nature humaine à de meilleur à offrir, elle obtient donc une récompense de la part de Woland. Margarita est la paix dans tout ce tumulte.
Tous ces thèmes sont déjà intéressants en soi, mais c'est la façon dont ils sont exposés qui rend le roman si fascinant. Alternant les points de vue, accumulant diverses références, The Master and Margarita donne l'impression d'entrer dans un rêve. On y retrouve des éléments de la réalité, mais certains sont modifiés et fantasmés avec un voile de fantastique. Comme le personnage de Bezdomny au début de l’œuvre, on s'étonne de voir un chat essayer de payer un ticket de tramway, mais petit à petit, on se laisse porter par la douce folie de ce récit et l'on accueille les étrangetés avec plaisir.
La plus grande d'entre elles est bien entendu les interludes concernant Ponce Pilate. Pourtant, au fil des pages, le lien de cette histoire avec le reste est limpide. Le procurateur a pour profession d'accomplir la justice, mais il est assailli de doutes et se sent écrasé par la société qui l'entoure, son esprit n'étant apaisé que par son fidèle compagnon Banga. Enfin, son récit est à l'image de l’œuvre elle-même, un mélange de la réalité et de la fiction, fusionnant les souvenirs de Woland et la création du Maître.
Finalement, The Master and Margarita est un livre fantastique, dans tous les sens du terme. À la fois touchant, pertinent, et ensorcelant, il mérite son statut de classique de la littérature russe. On peut bien sûr remarquer quelques incohérences dans la deuxième partie dues au côté inachevé du roman, mais elles ne sont pas dérangeantes. En outre, lorsque l'on constate ce qu'a pu nous offrir Bulgakov, on ne peut que rester songeur devant l'idée de ce que cette œuvre aurait pu être si l'auteur avait eu le temps de la polir selon ses souhaits.