choupitali's reviews
360 reviews

La Saison des Orages by Andrzej Sapkowski

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2.5

De passage à Kerack, Geralt se voit contraint de déposer ses précieuses épées auprès des gardes avant d'entrer dans la cité. Malheureusement, son séjour n'est pas de tout repos puisqu'il se voit condamné pour fraude fiscale. Une fois le malentendu dissipé, il découvre que quelqu'un a volé ses armes. Une malchance qui s'acharne sur le pauvre sorceleur, ce dernier se retrouvant mêlé à des intrigues politiques, des affaires de magiciens peu scrupuleux et des créatures dangereuses.

La Saison des orages est un roman isolé se déroulant dans l'univers du sorceleur, imaginé par Andrzej Sapkowski. Quatorze ans après la fin de sa série, l'auteur y revient pour nous offrir une aventure de Geralt, tout en l'incluant dans la chronologie déjà existante. Ainsi, bien que le livre laisse à penser qu'il puisse être lu de manière indépendante, Andrzej Sapkowski glisse de nombreuses références à sa saga qui demeureraient trop obscures à quiconque ne l'ayant pas lue. On peut noter par exemple la présence de Nimue qui semblerait totalement hors de propos aux néophytes. Toutefois, si ces derniers risquent de se sentir quelque peu perdu, les initiés se régaleront des nombreux clins d'œil et du soin apporté pour intégrer cette histoire dans une fresque déjà assez complète.

Même si des éléments créent une discontinuité avec la saga, cette aventure peut se placer avant la nouvelle Le Sorceleur présente dans Le Dernier Vœu. Cependant, La Saison des orages ne parvient pas tout à fait à recréer le charme des recueils de nouvelles ou des romans parus auparavant. Andrzej Sapkowski continue de nous offrir un personnage principal aux réflexions intéressantes tout en se rappelant qu'il n'a pas encore vécu les événements de la saga. Ainsi, nous retrouvons un Geralt mal à l'aise avec ses relations amoureuses, ayant déjà fui Yennefer, mais également assez cynique et bourru, malgré une once de naïveté. Nous retrouvons également de belles scènes d'action où Geralt redouble d'ingéniosité pour vaincre ses ennemis. Toutefois, certains éléments viennent assombrir le tableau, empêchant de savourer pleinement le roman.

L'auteur continue d'adopter un style efficace et ponctué d'humour, où l'on trouve des réflexions intelligentes sur la nature humaine, la politique, ou dans un registre plus léger, sur l'hypocrisie des gens. Malheureusement, ce roman verse également dans un humour un peu plus grossier, notamment avec la garnison féminine de Kerack décrite comme vulgaire et prise de flatulences, ce qui donne une certaine lourdeur au texte.
En outre, le cheminement de Geralt apparaît comme terriblement décousu. Le sorceleur semble véritablement contrit d'avoir perdu ses précieuses épées, pourtant, il passera plusieurs jours de débauche en compagnie de la magicienne Corail, acceptera de travailler pour des magiciens malgré le danger prévisible et leur manipulation, s'engagera comme protecteur d'un navire et se mêlera à un conflit politique. La perte des armes devient donc un fil conducteur menant le protagoniste dans plusieurs lieux, chaque événement étant décrit comme un concours de malchance.
Cette construction possède tout de même un aspect intéressant, prouvant à quel point la vie d'un sorceleur peut être chaotique et combien de bonnes épées sont extrêmement importantes pour exercer un tel métier. Tout ces événements montrent également les liens étroits que Geralt a développé avec les personnes pratiquant la magie et la politique, malgré son désir d'en rester éloigné. Tout ceci incite à penser à une certaine fatalité, surtout lorsque l'on pense à ce que va accomplir le sorceleur. Néanmoins, l'écriture en obtient des reflets un peu trop chaotiques pour être appréciée à sa juste valeur.
Les choix du sorceleur donnent l'impression d'être effectués de manière inconsidérée, ce qui insinue une sensation d'incohérence, aussi bien au niveau du personnage que de l'histoire. Celle-ci possède des facilités assez déconcertantes. On peut noter le fait que Geralt soit sollicité par bien trop de personnes au même moment, et ce, dans une situation peu favorable, ou encore la disposition des intrigues. En effet, elles sont entamées une à une sans être tout de suite résolues, incluant un sentiment d'inachevé ou du moins de trop grande dispersion. Bien entendu, la fin s'arrange pour tout conclure, mais il y demeure un goût amer, notamment sur la façon dont le sorceleur retrouve ses armes qui donne l'impression d'un deus ex machina.
Par ailleurs, à l'instar des romans de la saga, La Saison des orages porte un titre significatif. Néanmoins, les raisons paraissent assez surfaites. Ces fameux orages peuvent représenter la période de trouble qu'éprouve le protagonistes, ainsi que les autres personnages subissant des conflits internes à leur groupe, mais l'auteur ne put s'empêcher d'ajouter une scène de tempête assez titanesque comme s'il se sentait obligé de justifier plus amplement son titre. Malheureusement, bien que décrivant parfaitement le désastre d'une telle catastrophe, cet événement arrive de façon totalement impromptue, le temps se modifiant en une fraction de seconde. Le seul point positif demeure que cette scène permet de développer davantage certains personnages.

Finalement, La Saison des orages est un roman en demi-teinte. L'aventure est intéressante à suivre, c'est un plaisir de retrouver les personnages dans un temps qui se déroule avant les gros événements de la saga, mais une pointe de déception est présente, car ce livre n'est pas à la hauteur des précédents. Peut-être aurait-il été plus appréciable en tant que recueil de nouvelles.
Petite mention tout de même pour l'exploitation de la mythologie asiatique avec le monstre attaquant le bateau dans les marais. Cela apporte une nouvelle touche très sympathique tout en se mêlant parfaitement à l'univers. 
Permutation City by Greg Egan

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4.0

L'histoire de Permutation City se déroule en 2050, à une époque où il est possible d'effectuer une copie neuronale de son cerveau afin de créer une copie de soi-même. Cette technologie est vue comme un pas vers l'immortalité, mais elle subit quelques limites. D'une part, elle demande de faire évoluer les Copies dans un environnement virtuel, et d'autre part, la politique actuelle ne permet pas aux Copies d'être protégées de tout saisissement de matériel informatique en cas de besoin. Ainsi, lorsqu'un mystérieux inconnu se présente à de riches Copies afin de leur offrir la véritable immortalité, leur intérêt ne peut qu'être piqué malgré l'apparente arnaque.

Il est difficile de parler amplement de ce livre sans en dévoiler d'éléments importants qu'il serait préférable de découvrir à la lecture, mais je vais tout de même essayer de relever le défi.

Comme indiqué précédemment, l'histoire de Permutation City se développe autour des Copies, révélant ainsi plusieurs thèmes. On peut donc lire toute une réflexion sur l'identité. Des questions plutôt classiques se posent alors, comme s'interroger sur la fidélité d'une Copie, et sur ce qui forge l'identité d'une personne. À plusieurs endroits, le récit nous fait comprendre que les personnages peuvent décider ce qu'ils veulent conserver dans leur Copie. Ainsi, en omettant volontairement un élément, la Copie reste-t-elle fidèle à l'original ou bien son identité est-elle altérée ? Le roman va nous faire réfléchir également sur le bien-être des Copies. Comment une Copie réagit-elle en comprenant sa nature ? Suite à cela, est-ce qu'une Copie agira forcément à l'image de l'original ou peut-elle diverger ?

Néanmoins, bien que fortement développées, ce ne sont pas tant ces questions qui font la force de l’œuvre. Greg Egan pousse la réflexion de l'intelligence artificielle bien plus loin, tout en préparant intelligemment le terrain pour le chemin vers lequel il compte nous guider.
En effet, Permutation City nous fait suivre plusieurs personnages, chacun apportant sa petite pierre à l'édifice, même si l'on peut clairement identifier deux piliers essentiels. Ces deux piliers construisent lentement ce qu'il faut pour nous diriger vers des idées renversantes qu'il est impossible d'anticiper à l'avance.

Je dois malgré tout mentionner quelques bémols. Le livre est un peu difficile d'accès, et le style d'écriture est un peu sec. Il est également dommage que certains chapitres de la fin soient un peu trop précipités. Cependant, il est tellement satisfaisant de voir une idée développée à son maximum, que cette qualité contre-balance facilement ces problèmes.

Finalement, Permutation City est un roman à mettre dans les mains de quiconque voudrait réfléchir sur l'intelligence artificielle. L'exploitation du concept est étonnante ainsi qu'époustouflante, si bien que la difficulté que représente la lecture vaut bien la peine d'être surmontée. 
Unsong by Scott Alexander

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3.0

Unsong est un roman feuilleton qui a été publié du 28 décembre 2015 jusqu'au 17 mai 2017. Il nous raconte l'histoire d'Aaron Smith-Teller, un employé de la société Unsong. Son travail consiste à lire des potentiels Noms de Dieu générés par un logiciel jusqu'à en trouver des véritables. Ces Noms sont ensuite soumis à un copyright afin d'éviter qu'ils soient utilisés sans contrôle. Aaron découvre alors un de ces Noms par pur hasard. Conscient qu'Unsong ne pourrait pas être capable de découvrir ce Nom sans lui, il décide donc de le garder secret et de l'utiliser pour renverser le système. Cependant, ceci n'est qu'une partie de l'histoire puisque le livre suit le parcours d'autres personnages à travers différentes époques.

Unsong est un roman très riche et on le comprend dès les premiers chapitres. L'auteur l'a construit autour du thème de la kabbale et ce sujet est exploité en profondeur, voire au-delà. Il suffit de constater la division même des chapitres et des interludes pour comprendre qu'elle a un sens particulier par rapport à ce thème. Cela en arrive à un point où certains passages deviennent un peu difficiles pour quiconque n'est pas familier avec la Bible. Bien entendu, il est possible de lire Unsong en pur néophyte, mais certaines recherches peuvent s'avérer nécessaires, sans compter les notes de l'auteur lui-même sur son blog. Néanmoins, cette richesse permet de nous offrir un récit intelligent et réfléchi.
Le roman pose plusieurs questions philosophiques, notamment sur le Bien et le Mal, et la raison de l'existence de cette dernière notion. Pour y répondre, Scott Alexander réécrit plusieurs moments de l'Histoire avec les règles de son univers, donnant donc lieu à des chapitres parfois drôles, parfois cyniques, mais toujours poussés à leur maximum d'un point de vue religieux et linguistique.
À ce propos, la langue est certainement le point le plus important du roman. Son étude est présente pour expliquer plusieurs mots selon leur grammaire, leur orthographe, leur étymologie, leur sens, afin de les relier à la kabbale ou bien pour effectuer un jeu de mot, car Unsong est rempli de jeux de mots. L'humour est quelque chose d'omniprésent dans le livre, mais sa forme majoritaire est le jeu de mot. Certains sont tellement tordus qu'ils peuvent nous passer au-dessus de la tête, mais une fois de plus, le blog de l'auteur contient des explications. En cela, Unsong est absolument intraduisible. Nous sommes loin des jeux de mots où il suffit de saisir leur sens global pour en faire une adaptation. Ici le travail linguistique derrière chaque blague fait en sorte qu'il serait impossible de fournir un équivalent dans une autre langue que l'anglais.

D'un point de vue de l'histoire, Unsong a des hauts et des bas. Clairement, certains chapitres sont plus intéressants que d'autres. Pour ma part, j'ai trouvé ceux concernant Sohu et Uriel particulièrement drôles et captivants, tandis que ceux avec Alvarez m'ont paru fades. Si on ajoute à cela le fait que les chapitres sont de tailles plutôt inégales et s'attardent sur des choses plus ou moins pertinentes à l'histoire, le rythme finit par souffrir de ces aléas.
On rencontre donc les limites d'un livre n'ayant pas été confié à un éditeur. Si l'on saisit l'importance de certains passages, d'autres semblent plus superflus. De plus, le fait qu'il s'agisse d'un roman feuilleton écrit entre 2015 et 2017 l'ancre bien trop dans cette période, si bien que d'ici quelques années, plusieurs blagues ne feront pas autant mouche.

Finalement, Unsong est une expérience plutôt intéressante. Malgré les défauts que l'on peut y trouver, Scott Alexander nous propose un récit qui ne laisse pas indifférent tant il est atypique, humoristique, et incroyablement pensé.
Enfin, je terminerai sur ces mots d'Uriel :

DO NOT BOIL A GOAT IN ITS MOTHER’S MILK

The Nice and Accurate Good Omens TV Companion by Matt Whyman

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3.0

Ce livre est paru peu de temps avant la diffusion de la série Good Omens, dans le but d'offrir un accompagnement un peu plus technique pour quiconque aimerait en découvrir davantage sur l'envers du décor.
L'ouvrage possède deux types de contenu, des chapitres s'attardant sur des lieux ou des scènes spécifiques, et des interviews des actrices et acteurs principaux.

Un petit point sur l'apparence du livre est nécessaire, car la qualité est indéniablement là. L'ouvrage est plutôt grand avec une belle reliure, et les pages sont suffisamment épaisses pour que les photographies présentes à l'intérieur soient sublimées. Faisant environ 320 pages, le livre parvient donc à être assez lourd, devenant un véritable objet de collection.

Honnêtement, c'est un petit bijou pour les fans de la série. Les interviews permettent d'en savoir un peu plus sur l'approche de chaque actrice et acteur, notamment sur leur rapport avec le livre d'origine, avant de se lancer dans l'aventure de l'adaptation. La majorité des adultes sont donc conscients des attentes des spectateurs, et c'est assez intéressant de voir leur point de vue en comparaison avec celui des enfants qui ont découvert leur personnage avec le script.
Cependant, ce qui fait la force du livre, ce sont les multiples pages concernant les lieux de tournages, les décors, et les idées établies au fur et à mesure de l'avancement du projet. On apprend les difficultés rencontrées pour certaines scènes, lesquelles ont bénéficié d'effets spéciaux ou d'effets naturels, quelles ont été les alternatives de costumes, où se cachent des easter eggs dans tel ou tel décor, bref des éléments qui ne pourront que ravir les amateurs de ce type d'informations.
L'ouvrage est assez généreux en photographies, mais on ne refuserait pas d'en avoir davantage. Il est d'ailleurs dommage qu'il y ait si peu d'artworks concernant les décors ou les costumes alors qu'on nous en présente ou en évoque quelques uns. Mais c'est vraiment chipoter que de s'attarder là-dessus, car le livre offre déjà beaucoup de choses.

Finalement, The Nice and Accurate Good Omens TV Companion est une œuvre à mettre dans les mains des fans ou bien des personnes qui sont friandes d'informations sur les coulisses d'une production.
Les Quarante-cinq by Alexandre Dumas

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3.0

Les Quarante-cinq est la suite de La Dame de Monsoreau, dernier tome de la Trilogie des Valois. Dans ce roman, nous continuons de voir les difficultés du règne de Henri III, dont le trône est jalousement convoité par son frère, le duc d'Anjou, et le chef de la Ligue, le duc de Guise. Afin de protéger le roi de façon efficace, d'Épernon fait venir au Louvre quarante-cinq Gascons qui serviront de garde royale rapprochée, le nombre étant savamment étudié pour que les soldats puissent se relayer sans que Henri III ne se retrouve à découvert.
À cette intrigue principale s'ajoute des intrigues amoureuses, l'une se concentrant sur le destin d'un de ces fameux quarante-cinq, Ernauton de Carmainges, et l'autre sur la passion malheureuse d'un favori du roi, Henri du Bouchage.

Avec Les Quarante-cinq, Dumas promet de nous embarquer dans une nouvelle aventure incroyable. Le groupe étant constitué uniquement de Gascons, et vu le passé de l'auteur avec ce type de personnage, on sait immédiatement que le récit sera coloré de rivalité, de duel, et d'amitié. Malheureusement, hormis leur apparition mémorable ainsi qu'une mission importante justifiant leur existence, ces quarante-cinq ne sont finalement que très peu présents dans le roman, Dumas préférant se concentrer sur l'un d'eux, Ernauton de Carmainges.
Cependant, même de ce point de vue là, le récit déçoit. Notre Gascon est droit dans ses bottes ce qui lui vaut une certaine jalousie de la part de Sainte-Maligne, un compatriote. De plus, Ernauton finit par développer un amour interdit. Comme nous pouvons le constater, tous les ingrédients de la trilogie sont là, mais ils ne portent hélas pas leurs fruits. Cette rivalité n'aboutit à rien, tandis que les amours promettant complot et manipulation n'ont pas le temps d'être exploités avant que la fin du livre ne coupe brusquement toutes ces amorces.

Il en va de même avec le reste du roman. L'intrigue politique promet monts et merveilles avec des trahisons et des secrets de toute part, mais tout cela ne parvient pas à s'envoler, alors qu'une fois de plus, tout était fait pour nous captiver de bout en bout. On retrouvait ce cher Chicot, prêt à espionner pour le roi auprès de Henri de Navarre et de la Ligue, et nous découvrions Anne de Joyeuse devant s'occuper de la menace représentée par le frère royal. Si Chicot s'avère toujours aussi divertissant à suivre, la partie se déroulant en Flandres est un peu plus laborieuse, l'ensemble ne pouvant finalement pas offrir une conclusion tant espérée.
Il est particulièrement dommage de subir cette fin abrupte laissant croire à un prochain tome inexistant, car si l'on se renseigne sur l'Histoire de France, on se rend alors compte des pistes empruntées par Dumas. La fin devait se terminer en véritable feu d'artifice, mais son manque de substance fait plutôt l'effet d'un pétard mouillé.

Notons malgré tout un bon point concernant l'intrigue amoureuse de Henri du Bouchage. Celle-ci prend une forme assez originale comparée aux autres romances auxquelles nous a habitué l'auteur avec cette trilogie, et se permet même d'être mêlée intelligemment à l'intrigue politique. Il s'agit peut-être de la seule histoire se terminant de manière peut-être un peu précipitée, mais satisfaisante.

Outre tous ces problèmes, le style de l'auteur demeure agréable. Les chapitres défilent à grande vitesse tant l'on est curieux de voir le développement de chaque détail. Le livre manque toutefois de personnages attachants. Point de La Mole, de Coconnas, ou de Bussy. Même Chicot, pourtant délectable dans La Dame de Monsoreau, perd un peu de saveur dans ce tome. Il en va de même avec les personnages secondaires. Point de Saint-Luc par exemple, et les quarante-cinq sont bien trop effleurés pour être suffisamment consistants en guise de remplacement.

Finalement, Les Quarante-cinq est un livre qu'on ne peut que regretter de s'arrêter si vite. Une pensée bien étrange quand on sait que l’œuvre fait plus de mille pages, mais Dumas aborde tellement de choses dedans qu'il ne peut toutes les boucler. Une suite aurait donc été plus que bienvenue tant les germes d'une grande histoire sont présents sans avoir le temps de pousser convenablement. 
La Dame de Monsoreau by Alexandre Dumas

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5.0

La Dame de Monsoreau reprend l'histoire après les événement de La Reine Margot, mais pas exactement à sa fin non plus. En effet, Henri III est déjà bien installé, le Béarnais et sa femme Marguerite sont exilés en Navarre, et l'on comprend que la cour est bien différente de l'époque de Charles IX. Toutefois, le roi attire des jaloux qui voudraient s'emparer de son trône, notamment son frère le Duc d'Anjou. Au milieu de ces affaires d'héritage et de trahison, se trouve également l'intrigue de la Dame de Monsoreau qui donne son titre au livre. Cette femme au terrible destin est aimé de Bussy, un gentilhomme prêt à tout pour la délivrer de son sort.

Il peut arriver que l'on soit déçu d'une suite lorsque le premier tome plaçait la barre déjà haute. Cependant, Dumas n'en est pas à son premier coup d'essai, et c'est un plaisir de voir qu'une fois de plus, il parvient à nous offrir un second tome aussi excellent que le précédent.

La Dame de Monsoreau se déroule sur une période assez courte, mais dont le contenu est si riche que cela explique la taille du livre. Le roman possède plusieurs intrigues se mêlant et s'entremêlant dans un canevas si bien ficelé qu'il serait impossible d'en retirer une partie sans gâcher le tableau complet.
Si La Reine Margot nous proposait de suivre les complots de la Reine Mère contre Henri de Navarre, La Dame de Monsoreau nous invite à observer les manigances de François contre son frère Henri. Pourtant, point de réchauffé dans cette histoire puisque le Duc d'Anjou n'a pas l'intelligence de sa mère et se fait lui-même manipuler par d'autres personnes. L'auteur a donc établi un véritable jeu de poupées russes où chacun croit manier un pantin sans savoir qu'il est celui de l'autre.
Comme évoqué plus tôt, les attentats envers la couronne ne sont pas les seuls éléments présents dans cette œuvre. L'histoire de la femme éponyme s'avère également fascinante, d'autant plus qu'elle apporte le dernier ingrédient essentiel à toute fiction historique de Dumas : l'amour interdit. Celui-ci débouchant d'ailleurs sur des combats plutôt épiques.

Néanmoins, il est impossible de parler de l'histoire sans évoquer les personnages qui l'animent. Si l'on peut regretter de ne pas retrouver les personnages du premier tome, les remplaçants n'ont pas à rougir tant ils sont intéressants. La plupart d'entre eux sont attachants, comme par exemple Bussy, Saint-Luc ou encore Diane ; d'autres sont amusants comme le pauvre Gorenflot ; mais ceux que l'on n'apprécie pas forcément remplissent parfaitement leur rôle, comme Monsieur de Monsoreau.
Une mention spéciale doit être notée pour le bouffon du roi, Chicot, qui est certainement le personnage le plus complexe du roman. Serviteur du roi, mais également de ses propres intérêts, il n'a pas la langue dans sa poche et nous offre des dialogues particulièrement savoureux. Sans compter que ses aventures, en plus d'être liées à l'histoire principale, sont très divertissantes.

Concernant le style, il n'y a rien à redire. L'écriture de Dumas demeure fidèle à elle-même, fluide, sachant nous décrire toute l'intensité d'un combat ou toute la tension d'une scène, le tout parsemé d'un humour bien à lui. Le seul reproche que l'on pourrait formuler, est la fin qui conclut le roman de façon un peu brutale, mais l'auteur nous promet de le retrouver avec Les Quarante-cinq.

Finalement, La Dame de Monsoreau est un excellent livre et une excellente suite. Dumas parvient encore à nous captiver grâce à son mélange de réalité et de fiction, si bien que les pages se tournent toutes seules une fois l'histoire commencée. 
La Reine Margot by Alexandre Dumas

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5.0

La Reine Margot n'est pas le premier livre d'Alexandre Dumas que je lis. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que je lis ce roman, mais les années passant, ma mémoire n'en gardait qu'une impression positive s'en s'accrocher aux détails. À présent je peux le confirmer, Dumas est toujours un maître dans le genre de la fiction historique !

La Reine Margot retrace les événements à partir de la Saint-Barthélémy jusqu'à la mort de Charles IX. On suit les manigances de Catherine de Médicis pour empêcher Henri de Navarre d'accéder au trône de France, mais également les astuces de celui-ci afin de rester en vie tout en assurant son rôle de dirigeant des protestant. Si à cela on ajoute les secrets de chaque personnage, et en particulier les amours de Marguerite de Valois, femme de Henri, on obtient le drame historique parfait. Complots, empoisonnements, relations interdites, combats épiques, voilà ce que nous offre Alexandre Dumas dans cette œuvre.

« Peu importe la destination, c'est le voyage qui compte », voilà une citation qui résume plutôt bien la lecture de ce livre. Si l'on observe les grands points de l'Histoire, on sait que Henri de Navarre ne peut pas succomber aux pièges de la Reine Mère puisqu'il deviendra Henri IV. Néanmoins, il est fascinant de voir les moyens déployés par celle-ci tout comme la malice et la chance du gendre pour se sortir de situations désespérées. Ce qui m'amène au point fort du roman, à savoir les personnages.
En effet, l'intrigue évolue de façon assez classique, n'étant finalement qu'un jeu de pouvoir, mais si elle parvient à nous happer si aisément, c'est grâce à sa panoplie de protagonistes plus colorés les uns que les autres. Il y a bien sûr Catherine de Médicis qui a déjà été évoquée, et dont les agissements font froid dans le dos tant elle est prête à tout, mais il y a également Charles IX dont les faveurs changent selon son humeur, et qui peut s'avérer aussi dangereux que sa mère si l'on est dans ses mauvais papiers. Il ne faut pas non plus oublier la femme éponyme, Marguerite, dont la loyauté est sans reproche, même lorsqu'elle doit œuvrer contre sa propre famille. À cela s'ajoutent bien entendu d'autres personnages un peu plus secondaires, mais dont les apparitions sont toujours mémorables, comme René Bianchi, parfumeur et empoisonneur de la Reine Mère.
Toutefois, outre les personnages historiques qui se mettent des bâtons dans les roues afin de parvenir à leurs fins, Dumas nous propose de suivre un duo pour le moins étonnant : La Mole et Coconnas. Ces deux hommes incarnent le style de l'auteur à merveille. D'abord ennemis par la religion, ils finissent par devenir les meilleurs amis du monde, si bien que leur amitié est une véritable lumière au sein de ce roman assez sombre, apportant même souvent de l'humour.
Bien entendu, Alexandre Dumas n'écrit pas avec le rigueur d'un historien, et participe même à enrichir la légende noire de Catherine de Médicis, mais ce n'est pas de la véracité historique que l'on cherche dans l'écriture de cet auteur. On espère plutôt trouver de l'aventure, du suspense, des relations inoubliables, et La Reine Margot ne déroge pas à la règle.

Finalement, La Reine Margot est une œuvre qu'il est difficile de lâcher une fois qu'on l'a commencée. Il contient la recette idéale pour une fiction historique captivante, Dumas nous régalant toujours de ses dialogues et ses scènes propres à son style.
À noter que ce livre est le premier tome d'une trilogie retraçant la fin des Valois. Le deuxième étant La Dame de Monsoreau et le troisième Les Quarante-cinq
Century Rain by Alastair Reynolds

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5.0

Century Rain nous fait suivre le destin de deux personnages, Wendell Floyd et Verity Auger.
Le premier protagoniste est un jazzman américain qui gère tant bien que mal une agence de détective, avec son ami et associé André Custine, dans un Paris de l'année 1959. Ses affaires se débloquent suite à l'appel de Monsieur Blanchard, propriétaire d'un immeuble, qui souhaite qu'une enquête soit faite sur la mort d'une de ses locataires. Contrairement aux conclusions de la police privilégiant l'accident ou le suicide, Blanchard est persuadé qu'il s'agit d'un meurtre.
Le deuxième protagoniste est une archéologue des années 2300 dont le terrain de prédilection est la Terre. La planète est devenue inhabitable suite à une catastrophe appelée "nanocaust", et continue d'être terriblement dangereuse pour quiconque s'y aventurerait. Lors d'une de ses expéditions, des complications entraînent Auger dans un procès qui pourrait mettre fin à sa carrière. Un marché lui est alors proposé pour lui éviter ce calvaire : récupérer des documents importants avant qu'ils ne tombent dans de mauvaises mains.
À première vue, ces deux histoires n'ont rien en commun, mais petit à petit, des liens se forment jusqu'à ce que les deux récits n'en fassent plus qu'un.

Century Rain est un roman intéressant à lire pour plusieurs choses.

D'une part, nous avons, bien entendu, l'action-même, tenant le lecteur en haleine jusqu'au bout. En effet, Alastair Reynolds a conçu un véritable jeu de pistes avec ce livre. Dans un premier temps, on ne peut s'empêcher de formuler des théories sur les suite des événements, découvrant au fur et à mesure chaque lien unissant les deux histoires. Puis, lorsqu'elles se rejoignent, il reste suffisamment de points d'ombre qui nous empêchent de voir la fresque finale. Ainsi, chaque chapitre nous apporte de nouvelles pièces à assembler, et ce n'est qu'après avoir tourné la dernière page que l'on peut véritablement observer le tableau dans son entier.
Tout ceci colle parfaitement avec le mystère ambiant du roman, ainsi que la tension qui l'habite. À ce sujet, le récit possède plusieurs passages qui ne manquent pas de piquants, que ce soit dans les courses-poursuites, le danger, ou encore des moments de frayeurs qui n'ont pas à rougir devant certains films d'horreur. Si on ajoute à cela des personnages attachants avec des répliques plutôt mordantes, on obtient un résultat saisissant, au point qu'à la fin de chaque chapitre, on n'a qu'une seule envie : lire le suivant.

D'autre part, le livre nous gratifie de thèmes qui ne peuvent pas nous laisser insensibles puisqu'ils trouvent leurs racines dans notre époque. En effet, Alastair Reynolds a développé un univers où s'opposent deux factions : les Slashers et les Threshers. Les premiers embrassent toute forme de technologie et en particulier la nanotechnologie, si bien qu'elle fait partie intégrante de leur corps. Les deuxièmes sont méfiants envers cela et préfèrent n'utiliser cette technologie qu'en ultime recours. Ainsi, deux points de vue s'affrontent, chacun alimenté par une approche différente de la vie : les Slashers vivent dans le moment présent, peu importe les risques possibles, tandis que les Threshers ont leur regard vers le passé, constatant ce que l'Humanité a perdu et préférant éviter le risque de répéter certaines erreurs. Ces deux extrêmes se retrouvent facilement aujourd'hui, même si notre technologie n'est pas aussi avancée que celle du roman.
Le récit aborde aussi brièvement la question du réchauffement climatique, s'attardant plutôt sur les solutions trouvées par les humains de la narration. Ainsi, l'idée n'est donc pas de débattre sur l'existence du problème (comme aujourd'hui malheureusement), mais de réfléchir sur les actions de l'Homme pour endiguer le phénomène. Ce qui nous mène à un thème universel : le facteur humain.
En effet, le nanocaust aurait pu être évité sans l'hubris de l'Homme. De même, plusieurs technologies du livre ont un but si destructeur qu'on ne peut s'empêcher de se demander ce qui aurait pu être produit si des efforts similaires avaient été investis dans quelque chose de bénéfique. En fin de compte, l’œuvre nous fait part de deux grandes facultés de l'être humain : la capacité de sa haine, pouvant mener à des pertes effroyables, mais également la capacité de son acceptation, pouvant mener à des merveilles. La complexité étant que chaque être humain possède ces deux facultés et choisit ou non de les utiliser.

Finalement, Century Rain est un roman à mettre entre toutes les mains qui aiment le mystère et la science-fiction. Alastair Reynolds nous offre une fois de plus un univers riche avec des idées fascinantes, et une fois le périple terminé, on aimerait continuer encore un peu de chemin avec ses personnages. 
Good Omens by Neil Gaiman, Terry Pratchett

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5.0

Good Omens – ou de son titre le plus long, Good Omens: The Nice and Accurate Prophecies of Agnes Nutter, Witch – est un roman de fantasy humoristique co-écrit par deux grands noms de la littérature anglaise. Lors de la parution, si Terry Pratchett avait déjà plusieurs livres à son actif, Neil Gaiman n'était encore qu'un auteur en herbe, et pourtant, à la lecture de Good Omens, il est impossible de savoir où commence et s'arrête l'écriture de chacun. Premier signe de qualité ? Indubitablement, oui.

Qu'en est-il de l'histoire ? On pourrait dire qu'il s'agit du livre de la Révélation avec une bonne dose d'humour anglais et des personnages plus loufoques les uns que les autres. L'Apocalypse est en marche et pour l'accomplir, l'Antéchrist est envoyé sur Terre. Toutefois, cet événement n'arrange pas les affaires du démon Crowley qui a plutôt pris goût à la vie terrestre. Il parvient donc à convaincre Aziraphale, un ange et une connaissance de longue date, qu'ils doivent empêcher ce fléau. Pour cela, ils doivent retrouver l'enfant, mais il semblerait que l'incompétence d'une nonne satanique l'ait placé dans la mauvaise famille.

Après un pitch pareil, on sait déjà que l'on va plonger dans une œuvre décalée à souhait. Ajoutons à cela une multitude de personnages aussi hilarants les uns que les autres ainsi qu'une touche de satire, et vous obtenez un livre que l'on a envie de citer à tout-va tant chaque passage nous semble culte.
Entre la bande d'Adam Young qui offre une parodie de Club des cinq, les Cavaliers de l'Apocalypse qui sont devenus des motards et qui ont remplacé Pestilence par Pollution suite à sa retraite après la découverte de la pénicilline, Crowley et Aziraphale qui ne sont clairement pas des exemples pour leur peuple respectif, sans oublier les chasseurs de sorcières et la fameuse prophétie d'Agnès Nutter, nul doute que le récit s'éparpille, mais c'est pour notre plus grand plaisir.
On peut tout de même regretter quelques lenteurs dans les deux petits chapitres qui précèdent celui qui nous prépare et nous présente le bouquet final, mais puisque l'histoire alterne régulièrement entre les différents personnages, c'est un bémol vite oubliable.

Globalement, Good Omens prend le livre de la Révélation comme point de départ et s'amuse à renverser différents codes bibliques, notamment en brouillant la frontière entre le Bien et le Mal. J'ai déjà mentionné Crowley et Aziraphale et ces derniers représentent bien cette dualité puisque le démon n'est pas aussi maléfique qu'on pourrait le croire tout comme l'ange n'est pas aussi innocent, mais les deux auteurs ne s'arrêtent pas là, puisque de nombreux personnages que tout semble opposer fonctionnent également en tandem, à l'exception peut-être d'Adam, l'Antéchrist qui incarne à lui seul cette dualité (vous le devinez rien qu'à son prénom). Le résultat illustre bien sûr les fondements de l'humanité que notre duo d'écrivains critique pour ses multiples défauts, mais sans oublier de louer ses qualités, nous laissant ainsi sur une note positive.

Bien entendu, puisque les blagues s'enchaînent, il est essentiel d'être friand de l'humour proposé. Si l'idée que Famine ouvre un Burger Lord afin d'y vendre des repas à la fois riche en graisse et pauvre en énergie pour que les gens grossissent et meurent de faim en même temps, ou encore que chaque cassette audio laissée trop longtemps dans une voiture se transforme en Best of Queen, ne vous fait pas sourire, il est préférable de passer votre chemin.
Dernier détail, il est possible que certaines références soient un peu obscures, car typiquement anglaises (celle de la voiture surnommée Dick Turpin en est un exemple), mais il suffit de faire une petite recherche pour comprendre facilement.

Finalement, Good Omens est un livre à lire et même à relire. Offrant une bonne dose de rigolade, il nous propose également une satire de notre monde qui demeure toujours d'actualité bien que l'ouvrage ait déjà vingt sept ans. Quittons-nous sur cette célèbre citation :

God does not play dice with the universe; He plays an ineffable game of His own devising, which might be compared, from the perspective of any of the other players, [ie., everybody.] to being involved in an obscure and complex version of poker in a pitch-dark room, with blank cards, for infinite stakes, with a Dealer who won't tell you the rules, and who smiles all the time.