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mikesparrow's Reviews (220)
Pereira levantou-se e saudou-o. Viu-o afastar-se e sentiu uma grande saudade, como se aquele adeus fosse irremediável. (...) E quando o doutor Cardoso passou a porta e desapareceu na rua sentiu-se só, verdadeiramente só, e pensou que quando estamos verdadeiramente sós é o momento de nos medirmos com o nosso eu hegemónico que procura impor-se à coorte das almas. Mas apesar deste pensamento não se sentiu apaziguado, pelo contrário, sentiu uma grande saudade, não saberia dizer de quê, mas era uma grande saudade de uma vida passada e de uma vida futura, afirma Pereira.
Olhe, doutor Pereira, deixo-lhe a garrafa, se lhe apetecer mais um copo, sirva-se, e se quiser um charuto trago-lho imediatamente. Traz-me um charuto dos fracos, disse Pereira, mas a propósito, Manuel, disseste que tens um amigo que apanha a Rádio Londres, quais são as novidades? Parece que os republicanos estão a levar porrada, mas sabe uma coisa, doutor Pereira, disse baixando a voz, também falaram de Portugal. Ah sim, disse Pereira, e que dizem de nós? Dizem que vivemos numa ditadura, e que a polícia tortura pessoas. E tu o que achas, Manuel?, perguntou Pereira. Manuel coçou a cabeça. Que acha o senhor, doutor Pereira?, replicou, o senhor está nos jornais e percebe dessas coisas. Eu acho que os ingleses têm razão, declarou Pereira. Acendeu o charuto e pagou a conta, depois saiu e apanhou um táxi para ir à tipografia.
Olhe, doutor Pereira, deixo-lhe a garrafa, se lhe apetecer mais um copo, sirva-se, e se quiser um charuto trago-lho imediatamente. Traz-me um charuto dos fracos, disse Pereira, mas a propósito, Manuel, disseste que tens um amigo que apanha a Rádio Londres, quais são as novidades? Parece que os republicanos estão a levar porrada, mas sabe uma coisa, doutor Pereira, disse baixando a voz, também falaram de Portugal. Ah sim, disse Pereira, e que dizem de nós? Dizem que vivemos numa ditadura, e que a polícia tortura pessoas. E tu o que achas, Manuel?, perguntou Pereira. Manuel coçou a cabeça. Que acha o senhor, doutor Pereira?, replicou, o senhor está nos jornais e percebe dessas coisas. Eu acho que os ingleses têm razão, declarou Pereira. Acendeu o charuto e pagou a conta, depois saiu e apanhou um táxi para ir à tipografia.
Mais le Portugal ignorait l’appétit du monstre. Il refusait de croire aux mauvais signes. Le Portugal parlait sur l’art avec une confiance désespérée. Oserait-on l’écraser dans son culte de l’art ? Il avait sorti toutes ses merveilles. Oserait-on l’écraser dans ses merveilles ? Il montrait ses grands hommes. Faute d’une armée, faute de canons, il avait dressé contre la ferraille de l’envahisseur toutes ses sentinelles de pierre : les poètes, les explorateurs, les conquistadors. Tout le passé du Portugal, faute d’armée et de canons, barrait la route. Oserait-on l’écraser dans son héritage d’un passé grandiose ?
Mais le Portugal essayait de croire au bonheur, lui laissant son couvert et ses lampions et sa musique. On jouait au bonheur, à Lisbonne, afin que Dieu voulût bien y croire.
Puis ils jouaient à la roulette ou au baccara selon les fortunes. J’allais parfois les regarder. Je ne ressentais ni indignation, ni sentiment d’ironie, mais une vague angoisse. Celle qui vous trouble au zoo devant les survivants d’une espèce éteinte. Ils s’installaient autour des tables. Ils se serraient contre un croupier austère et s’évertuaient à éprouver l’espoir, le désespoir, la crainte, l’envie et la jubilation. Comme des vivants. Ils jouaient des fortunes qui, peut-être, à cette minute même, étaient vidées de signification.
Un silence même n’y ressemble pas à l’autre silence.
L’homme est gouverné par l’Esprit. Je vaux, dans le désert, ce que valent mes divinités.
L’un des deux mariniers était hollandais. L’autre, allemand. Celui-ci avait autrefois fui le Nazisme, poursuivi qu’il était là-bas comme communiste, ou comme trotskyste, ou comme catholique, ou comme juif. (Je ne me souviens plus de l’étiquette au nom de laquelle l’homme était proscrit.)
Quelle substance ?... C’est bien ici qu’il est difficile de s’exprimer ! Je risque de ne capturer que des reflets, non l’essentiel. Les mots insuffisants laisseront fuir ma vérité.
Les avant-gardes révolutionnaires, de quelque parti qu’elles soient, font la chasse, non aux hommes (elles ne pèsent pas l’homme dans sa substance), mais aux symptômes. La vérité adverse leur apparaît comme une maladie épidémique. Pour un symptôme douteux, on expédie le contagieux au lazaret d’isolement. Le cimetière.
Ce miracle ne dénoua pas le drame, il l’effaça, tout simplement, comme la lumière, l’ombre. Aucun drame n’avait plus eu lieu. Ce miracle ne modifia rien qui fût visible. La mauvaise lampe à pétrole, une table aux papiers épars, les hommes adossés au mur, la couleur des objets, l’odeur, tout persista.
Les soins accordés au malade, l’accueil offert au proscrit, le pardon même ne valent que grâce au sourire qui éclaire la fête. Nous nous rejoignons dans le sourire au-dessus des langages, des castes, des partis. Nous sommes les fidèles d’une même Église, tel et ses coutumes, moi et les miennes.
Respect de l’Homme ! Respect de l’Homme !... Si le respect de l’homme est fondé dans le cœur des hommes, les hommes finiront bien par fonder en retour le système social, politique ou économique qui consacrera ce respect. Une civilisation se fonde d’abord dans la substance. Elle est d’abord, dans l’homme, désir aveugle d’une certaine chaleur. L’homme ensuite, d’erreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu.
Tu honores en moi l’ambassadeur de croyances, de coutumes, d’amours particulières. Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente. Tu m’interroges comme l’on interroge le voyageur. (...) Mon ami, j’ai besoin de toi comme d’un sommet où l’on respire !
Mais le Portugal essayait de croire au bonheur, lui laissant son couvert et ses lampions et sa musique. On jouait au bonheur, à Lisbonne, afin que Dieu voulût bien y croire.
Puis ils jouaient à la roulette ou au baccara selon les fortunes. J’allais parfois les regarder. Je ne ressentais ni indignation, ni sentiment d’ironie, mais une vague angoisse. Celle qui vous trouble au zoo devant les survivants d’une espèce éteinte. Ils s’installaient autour des tables. Ils se serraient contre un croupier austère et s’évertuaient à éprouver l’espoir, le désespoir, la crainte, l’envie et la jubilation. Comme des vivants. Ils jouaient des fortunes qui, peut-être, à cette minute même, étaient vidées de signification.
Un silence même n’y ressemble pas à l’autre silence.
L’homme est gouverné par l’Esprit. Je vaux, dans le désert, ce que valent mes divinités.
L’un des deux mariniers était hollandais. L’autre, allemand. Celui-ci avait autrefois fui le Nazisme, poursuivi qu’il était là-bas comme communiste, ou comme trotskyste, ou comme catholique, ou comme juif. (Je ne me souviens plus de l’étiquette au nom de laquelle l’homme était proscrit.)
Quelle substance ?... C’est bien ici qu’il est difficile de s’exprimer ! Je risque de ne capturer que des reflets, non l’essentiel. Les mots insuffisants laisseront fuir ma vérité.
Les avant-gardes révolutionnaires, de quelque parti qu’elles soient, font la chasse, non aux hommes (elles ne pèsent pas l’homme dans sa substance), mais aux symptômes. La vérité adverse leur apparaît comme une maladie épidémique. Pour un symptôme douteux, on expédie le contagieux au lazaret d’isolement. Le cimetière.
Ce miracle ne dénoua pas le drame, il l’effaça, tout simplement, comme la lumière, l’ombre. Aucun drame n’avait plus eu lieu. Ce miracle ne modifia rien qui fût visible. La mauvaise lampe à pétrole, une table aux papiers épars, les hommes adossés au mur, la couleur des objets, l’odeur, tout persista.
Les soins accordés au malade, l’accueil offert au proscrit, le pardon même ne valent que grâce au sourire qui éclaire la fête. Nous nous rejoignons dans le sourire au-dessus des langages, des castes, des partis. Nous sommes les fidèles d’une même Église, tel et ses coutumes, moi et les miennes.
Respect de l’Homme ! Respect de l’Homme !... Si le respect de l’homme est fondé dans le cœur des hommes, les hommes finiront bien par fonder en retour le système social, politique ou économique qui consacrera ce respect. Une civilisation se fonde d’abord dans la substance. Elle est d’abord, dans l’homme, désir aveugle d’une certaine chaleur. L’homme ensuite, d’erreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu.
Tu honores en moi l’ambassadeur de croyances, de coutumes, d’amours particulières. Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente. Tu m’interroges comme l’on interroge le voyageur. (...) Mon ami, j’ai besoin de toi comme d’un sommet où l’on respire !
Il y avait, au premier plan, deux terrassiers qui jouaient à la marelle. Le ventre du plus gros sautait à contretemps de son propriétaire. Pour palet, ils se servaient d’un crucifix peint en rouge auquel il manquait la croix.
Elle allait dans la même direction. On voyait ses jolies jambes dans des bottillons de mouton blanc, son manteau de peau de pandour décatie et sa toque assortie. Des cheveux roux sous sa toque. Son manteau lui faisait des épaules larges et dansait autour d’elle.
« Je veux la dépasser. Je veux voir sa figure… »
Il la dépassa et se mit à pleurer. Elle comptait au moins cinquante-neuf ans. Il s’assit au bord du trottoir et pleura encore. Ça le soulageait beaucoup et les larmes gelaient avec un petit crépitement et se cassaient sur le granit lisse du trottoir.
Colin montait, le nez sur les talons des deux filles. De jolis talons renforcés, en nylon clair, des souliers hauts de cuir fin et des chevilles délicates. Puis, les coutures des bas, légèrement froncées, comme de longues chenilles et les creux articulés de l’attache des genoux. Colin s’arrêta et perdit deux marches. Il repartit. Maintenant, il voyait le haut des bas de celle de gauche, la double épaisseur des mailles et la blancheur ombrée de la cuisse. La jupe de l’autre, à plis plats, ne permettait pas le même divertissement, mais, sous le manteau de castor, ses hanches tournaient plus rond que celles de la première, formant un petit pli cassé alternatif. Colin se mit à regarder ses pieds par décence et vit ceux-ci s’arrêter au second étage.
Le souterrain était bordé des deux côtés par une rangée de volières de grandes dimensions, où les Arrangeurs Urbains entreposaient les pigeons-de-rechange pour les Squares et les Monuments.
La rue menait à Chloé.
Les autres, sur le perron, regardaient partir les musiciens que l’on emmenait dans une voiture cellulaire parce qu’ils avaient tous des dettes. Ils étaient serrés comme des sardines et soufflaient, pour se venger, dans leurs instruments, ce qui, de la part des violonistes, produisait un bruit abominable.
Les jalousies étaient baissées et l’on n’entendait aucun bruit. Le soleil cuisait doucement les pommes tombées et les faisait éclore en petits pommiers verts et frais, qui fleurissaient instantanément et donnaient des pommes plus petites encore.
Un homme, miné par l’absorption continuelle de poussière de papier, et dont on devinait les bronchioles remplies, jusqu’à l’orifice, de pâte cellulosique reconstituée, entra dans le bureau. Il portait un dossier sous le bras.
« Vous avez cassé une chaise, dit le directeur.
– Oui », dit le sous-directeur.
Il posa le dossier sur la table.
« On peut la réparer, vous voyez… »
Il se tourna vers Colin.
« Vous savez réparer les chaises ?…
– Je pense…, dit Colin désorienté. Est-ce très difficile ?
– J’ai usé, assura le sous-directeur, jusqu’à trois pots de colle de bureau sans y parvenir.
– Vous les paierez ! dit le directeur. Je les retiendrai sur vos appointements…
– Je les ai fait retenir sur ceux de ma secrétaire, dit le sousdirecteur. Ne vous inquiétez pas, patron.
Tout au bout du couloir, il y avait une porte. Elle portait le numéro indiqué dans le journal, et il entra sans frapper, comme le recommandait l’annonce.
Elle allait dans la même direction. On voyait ses jolies jambes dans des bottillons de mouton blanc, son manteau de peau de pandour décatie et sa toque assortie. Des cheveux roux sous sa toque. Son manteau lui faisait des épaules larges et dansait autour d’elle.
« Je veux la dépasser. Je veux voir sa figure… »
Il la dépassa et se mit à pleurer. Elle comptait au moins cinquante-neuf ans. Il s’assit au bord du trottoir et pleura encore. Ça le soulageait beaucoup et les larmes gelaient avec un petit crépitement et se cassaient sur le granit lisse du trottoir.
Colin montait, le nez sur les talons des deux filles. De jolis talons renforcés, en nylon clair, des souliers hauts de cuir fin et des chevilles délicates. Puis, les coutures des bas, légèrement froncées, comme de longues chenilles et les creux articulés de l’attache des genoux. Colin s’arrêta et perdit deux marches. Il repartit. Maintenant, il voyait le haut des bas de celle de gauche, la double épaisseur des mailles et la blancheur ombrée de la cuisse. La jupe de l’autre, à plis plats, ne permettait pas le même divertissement, mais, sous le manteau de castor, ses hanches tournaient plus rond que celles de la première, formant un petit pli cassé alternatif. Colin se mit à regarder ses pieds par décence et vit ceux-ci s’arrêter au second étage.
Le souterrain était bordé des deux côtés par une rangée de volières de grandes dimensions, où les Arrangeurs Urbains entreposaient les pigeons-de-rechange pour les Squares et les Monuments.
La rue menait à Chloé.
Les autres, sur le perron, regardaient partir les musiciens que l’on emmenait dans une voiture cellulaire parce qu’ils avaient tous des dettes. Ils étaient serrés comme des sardines et soufflaient, pour se venger, dans leurs instruments, ce qui, de la part des violonistes, produisait un bruit abominable.
Les jalousies étaient baissées et l’on n’entendait aucun bruit. Le soleil cuisait doucement les pommes tombées et les faisait éclore en petits pommiers verts et frais, qui fleurissaient instantanément et donnaient des pommes plus petites encore.
Un homme, miné par l’absorption continuelle de poussière de papier, et dont on devinait les bronchioles remplies, jusqu’à l’orifice, de pâte cellulosique reconstituée, entra dans le bureau. Il portait un dossier sous le bras.
« Vous avez cassé une chaise, dit le directeur.
– Oui », dit le sous-directeur.
Il posa le dossier sur la table.
« On peut la réparer, vous voyez… »
Il se tourna vers Colin.
« Vous savez réparer les chaises ?…
– Je pense…, dit Colin désorienté. Est-ce très difficile ?
– J’ai usé, assura le sous-directeur, jusqu’à trois pots de colle de bureau sans y parvenir.
– Vous les paierez ! dit le directeur. Je les retiendrai sur vos appointements…
– Je les ai fait retenir sur ceux de ma secrétaire, dit le sousdirecteur. Ne vous inquiétez pas, patron.
Tout au bout du couloir, il y avait une porte. Elle portait le numéro indiqué dans le journal, et il entra sans frapper, comme le recommandait l’annonce.
- Que me diz ao meu escritório privativo?
Era uma sala pequena de abóboda alta, dois maples, uma mesa, estantes e alguns quadros. Uma grande janela dava para o pátio deserto, onde a água estalava sem cessar. Sofia acendeu a luz e fechou a janela. E nesse claustro de intimidade, com a chuva afastando-nos a cidade para longe, sentíamo-nos numa solidão para os dois e era como se o mistério de Sofia me fosse mais revelado ou menos invulnerável.
- Está-se bem aqui - disse eu.
O calor fechado do irradiador eléctrico, o silêncio inconsútil, vigiado pela chuva, a nossa presença defendida, como que legitimavam a minha excitação, o apelo voraz que subia em mim. Mas havia a conveniência, esse plano neutral em que podíamos comerciar.
E perguntei:
- Estudou a lição?
- Não peguei em livro - disse ela, sorrindo por entre o fumo do cigarro. - Não está contente?
- Contente? Porquê?
- Ouça, doutor: se alguma coisa me preocupou sempre foi ser consequente, unir o que faço ao que sinto. Porque não faz o mesmo?
- Como não faço o mesmo?
- Oh, não faz... Se o fizesse, já me tinha beijado...
A violência que me apanhou não foi súbita. Houve um silêncio de atordoamento.
Era uma sala pequena de abóboda alta, dois maples, uma mesa, estantes e alguns quadros. Uma grande janela dava para o pátio deserto, onde a água estalava sem cessar. Sofia acendeu a luz e fechou a janela. E nesse claustro de intimidade, com a chuva afastando-nos a cidade para longe, sentíamo-nos numa solidão para os dois e era como se o mistério de Sofia me fosse mais revelado ou menos invulnerável.
- Está-se bem aqui - disse eu.
O calor fechado do irradiador eléctrico, o silêncio inconsútil, vigiado pela chuva, a nossa presença defendida, como que legitimavam a minha excitação, o apelo voraz que subia em mim. Mas havia a conveniência, esse plano neutral em que podíamos comerciar.
E perguntei:
- Estudou a lição?
- Não peguei em livro - disse ela, sorrindo por entre o fumo do cigarro. - Não está contente?
- Contente? Porquê?
- Ouça, doutor: se alguma coisa me preocupou sempre foi ser consequente, unir o que faço ao que sinto. Porque não faz o mesmo?
- Como não faço o mesmo?
- Oh, não faz... Se o fizesse, já me tinha beijado...
A violência que me apanhou não foi súbita. Houve um silêncio de atordoamento.